Ukraine, chronique d’un affrontement géopolitique
par Dimitri de Kochko
“En 2008 Victor Iouchtchenko a donne l’ordre de supprimer les monuments datant du régime totalitaire.
En jaune : l’Ukraine avant le régime totalitaire.
En beige : le cadeau des tsars russes (1654-1917)
En bleu : le cadeau de Lénine en 1922
En rouge : le cadeau de Staline en 1939-1940
En vert : le cadeau de Khrouchtchev en 1954″
– 1 – De l’imbroglio au risque de guerre (novembre 2013 – septembre 2014)
La situation en Ukraine et son exploitation par certaines forces bellicistes aux États-Unis suivies de leurs partenaires ouest-européens est arrivée à un tel point en août 14 (malheureuse coïncidence historique!) que l’Europe est peut-être à la veille d’un conflit majeur et qu’elle est d’ores et déjà plongée dans un confit économique avec la Russie, préjudiciable pour les deux parties, mais visiblement souhaité outre-Atlantique. L’obsession étasunienne d’empêcher l’Europe occidentale de se retrouver avec sa partie orientale, la Russie, et la volonté de contrôler le «heartland» eurasien est toujours le fil conducteur de leur politique étrangère. Malgré la Chine et malgré l’islamisme. Si les choses vont plus loin, elles risquent d’achever en Europe ce que les deux précédentes saignées du siècle dernier n’ont pu faire complètement : détruire le continent, un maximum de ses habitants et sa place historique et intellectuelle dans le monde. En suivant des intérêts qui ne sont pas les nôtres, nous nous trompons nettement d’ennemi.
Maïdan, guerre civile et négociations
Ces quelques pages veulent contribuer à éclairer le citoyen européen sur la cause directe (mais évidemment pas unique) de la possible catastrophe à venir, à laquelle bien sûr personne ne veut croire. Jusqu’à une date récente, ni le pouvoir installé à Kiev, ni ses mentors américains, ni malheureusement les gouvernants européens ne voulaient faire quoi que ce soit pour arrêter la guerre civile en Ukraine. Pire, ils ne veulent même pas l’appeler ainsi et cherchent à faire adopter la phraséologie de l’un des camps en conflit. Ils continuaient à encourager Kiev dans sa fuite en avant guerrière. Le rapport des forces est plutôt du coté de Kiev en théorie et l’écrasement des opposants du Donbass aurait été possible. Mais la situation catastrophique de l’économie ukrainienne, la démotivation de l’armée de Kiev et les prestations militaires sauvages mais peu brillantes des armées privées, recrutées par des oligarques, comme M. Igor Kolomoïski de Dniepropetrovsk, parmi les groupes extrémistes de l’ouest ukrainien, ont contraint le président Piotr Porochenko à accepter un cessez-le-feu, suggéré depuis longtemps par la Russie. Cette dernière, tout en n’étant pas belligérante, est évidemment bienveillante à l’égard des insurgés fédéralistes, devenus séparatistes. La résistance de l’est est beaucoup plus motivée que l’armée ukrainienne, malgré l’implication de mercenaires américains et autres, au sein de structures privées comme Academi (ex-blackwater utilisée en Irak). Les insurgés s’emparent de beaucoup de matériels, pour l’utilisation duquel ils bénéficient de volontaires internationaux et vraisemblablement de conseillers russes, sans qu’on puisse parler d’une «invasion» russe, comme le suggèrent les affirmations de Kiev sans preuves et nos journaux qui avancent des chiffres fantaisistes sur des «colonnes de chars» bien hypothétiques, puisque jamais montrées et des troupes allant de 1.000 à 15.000 hommes.
Le processus de négociation lancé à Minsk dès la fin août conduira vraisemblablement à un gel de la situation sur le terrain si Porochenko parvient à s’imposer contre les forces extrémistes qui malheureusement bénéficient du soutien de certains milieux américains. Ce serait alors un gel comparable à ce qu’on connaît en Moldavie avec la Transnistrie ou au Nagorny Karabakh entre l’Azerbaidjan et l’Arménie. C’est sans doute le pari des Russes de Moscou et du Donbass qui pensent que compte tenu de la débâcle économique ukrainienne, le temps jouera pour eux et un compromis. Si en revanche, les plus bellicistes de Kiev et de l’ouest remportent la partie contre Porochenko dans la rue et aux élections législatives, auxquelles de toutes les façons les partis représentant l’est ne participent pas, le conflit risque de dégénérer en sanctuaires de conflits permanents, contrôlés par divers seigneurs de guerre. Tout dépendra des rapports de force et de l’implication américaine et otanienne. Peut-être aussi des objectifs rééls des nord-Américains contre la Syrie sous prétexte de Daesh en tout genre et de la réaction des Russes à ces manœuvres. En tout cas, c’est la guerre assurée si Kiev s’en prend à la Crimée.
C’est pourtant bien d’une guerre civile qu’il s’agit. Elle a des raisons profondes et structurelles et des raisons politiques et économiques immédiates.
Vous avez tous à l’esprit les images de jeunes gens sautillant gaiement à Kiev et quelques villes de l’ouest de l’Ukraine, lors des premières manifestations en novembre 2013. On vous a plus rarement traduit ce qu’ils scandaient en sautillant comme des cabris. Ce n’était pas «Europe Europe, Europe», comme certains voulaient vous le faire croire, ni même des slogans anti-ploutocrates, mais «celui qui ne saute pas est un sale russkoff»… Lorsqu’un mouvement populaire se base ainsi sur l’exclusion par des formules racistes, on peut être sûr qu’on cherche un bouc émissaire, faute de pouvoir ou de vouloir s’attaquer à des problèmes plus réels mais ô combien plus compliqués. Une véritable révolution aspire à de grands idéaux universels pour tous. Pas à promouvoir la haine raciale ou ethnique. Contre une partie de sa propre population. C’est tout le problème du mouvement de ces dernières années en Ukraine dans le contexte géopolitique cité plus haut et son exploitation.
Un pays qui pourrait jouer la richesse de sa diversité
Au début des événements dits du Maidan (la place de l’indépendance à Kiev où ont lieu les manifestations dans le sillage de celles de 2004), la presse française pouvait encore mentionner les différences historiques et parfois les tensions entre l’ouest et l’est de l’Ukraine. Elles sont niées aujourd’hui. Et contre toutes les règles journalistiques, les gazettes de la pensée unique actuelle qualifient de «terroristes» les insurgés de l’est de l’Ukraine, derrière les gens au pouvoir à Kiev et sans aucune distanciation.
Il n’empêche que l’Ukraine devenue indépendante en 1991, en août ou en décembre selon la date qu’on retient, est en fait un assemblage de régions et de peuples avec des différences culturelles, linguistiques, religieuses, historiques et économiques considérables. L’Ukraine qu’on pourrait qualifier «d’historique» qui au XVII ème siècle s’est ralliée à la Russie était toute petite (cf carte). Les tsars lui ont adjoint les provinces du nord. Puis, les bolcheviks après la guerre civile lui ont rattaché le Donbass avec ses minerais et sa classe ouvrière, alors que l’ouest était plus agricole et paysan. C’était une population russe orthodoxe et c’est là que se déroulent aujourd’hui les combats.
Les provinces de l’ouest, de la Galicie essentiellement, étaient jusqu’en 1918 austro-hongroises. Elles sont ensuite devenues polonaises et en 1939 soviétiques jusqu’à la guerre, puis après. C’est là une population parlant allemand avant 18, puis polonais et galicien dans différentes variantes et souvent catholique de rite oriental (uniates). Durant la guerre, l’occupant nazi y a trouvé des partisans et plus de 200.000 hommes pour ses troupes (divisions SS) et ses supplétifs (polizei). Au même moment, les Ukrainiens plus à l’est étaient massacrés en masse, pour ceux qui avaient survécu au stalinisme et à sa collectivisation forcée, ou déportés dans les camps de concentration avec un traitement «d’UnterMensh», propre à l’idéologie nazie. Les autres combattaient dans les rangs de l’Armée rouge. Après la victoire (pas toujours vécue comme telle dans les provinces de l’ouest), la partie occidentale est redevenue soviétique.
Cette coupure, qui s’explique historiquement (cf encadré) a laissé des traces aujourd’hui. C’est à l’ouest que les doctrines les plus nationalistes dès la fin du XIXème siècle, puis avec le nazisme, malgré quelques frottements, se sont développées. Un nationalisme agressif et exclusif, rejetant violemment les Polonais (des massacres terribles ont été perpétrés par les troupes SS ukrainiennes en Volhynie en 1943), les juifs (on est au cœur du Yiddish land et ce sont des troupes ukrainiennes qui ont commis le Babiy Yar à Kiev) et les Russes. Un des mots d’ordre des partisans de Stepan Bandera, collaborateur des nazis pendant la guerre malgré des dissensions, devenu aujourd’hui héros à Kiev, était «gloire aux héros, gloire à l’Ukraine, mort aux ennemis» qui étaient les Russes qu’on allait «noyer dans le sang des juifs et des Polonais». Le «Gloire à l’Ukraine…» est repris aujourd’hui.
ENCADRE NAZIS A L’OUEST
Pourquoi la référence au nazisme chez les nationalistes ukrainiens au pouvoir ?
Le Parti Svoboda (Liberté mais précédemment parti social-nationaliste ), le Secteur de Droite (secteur droit) qui regroupe des partis comme le Trident (symbole ukrainien), le Patriote d’Ukraine, le marteau blanc, etc. Implantés essentiellement à l’ouest de l’Ukraine ont été la force déterminante des confrontations violentes sur le Maïdan et de la prise du pouvoir à Kiev, le 21 février dernier et précédemment dans les trois régions de l’Ouest du pays. Tous se réfèrent dans leur idéologie et leur pratique, sans honte ni tabou, au nazisme hitlérien. Sans même lire leurs textes, tout à fait publics, ou écouter leurs déclarations, il suffisait de voir les portraits sur le Maidan et dans les bâtiments occupés de leurs héros Stepan Bandera ou Yaroslav Stetsko ou encore Roman Choukhevytch, chefs nationalistes mais aussi dirigeants des polizei et SS ukrainiens, aux cotés des Allemands pendant la guerre. Les relations ont été contrastées lorsqu’ils ont voulu promouvoir leur état ukrainien (juin 41), qu’ils se sont entretués ou commis un peu trop d’exactions contre des juifs puis des Polonais. Les Allemands ont emprisonné provisoirement des dirigeants, dont Bandera lui même. Mais ses partisans continuaient dans la SS. Aujourd’hui, leurs drapeaux rouges et noirs, repris par leurs héritiers, côtoient les croix celtiques et gammées, dessinées sur les murs, par exemple ceux de la mairie de Kiev lorsqu’elle fut occupée par le secteur droit ou sur l’avenue du Khrechatik, avec les chiffres 88 qui signifient HH (huitième lettre de l’alphabet), c’est-à-dire heil Hitler !
Alors que chez nous, dans l’Union européenne, à laquelle soit dit en passant les fascistes ukrainiens n’aspirent guère et qu’ils n’invoquent que pour prendre la tête du mouvement de masse qui rêve d’Europe, de tels propos sont interdits et tabous pour la majorité écrasante des gens. Ce n’est pas du tout le cas dans l’ouest de l’Ukraine. En 1941, ces régions sont occupées depuis peu en vertu du pacte germano-soviétique de 1939 par les armées staliniennes qui y instaurent la collectivisation et l’ordre du Goulag. Anciennes possessions austro-hongroises, comme la Galicie, elles ont été polonaises après le Traité de Versailles, et accueillent les troupes allemandes à bras ouverts, comme des libérateurs. Mais les nazis étant ce qu’ils sont, se sont comportés en racistes, méprisant les slaves presque autant que les juifs. Jouant sur leur haine des Russes, des Polonais, des Tziganes et des juifs, des chefs ukrainiens, dont certains étaient déjà recrutés avant-guerre par l’Abwher, ont su trouver l’oreille de dirigeants nazis. Quelque 200.000 Ukrainiens sont entrés dans les rangs des SS ou des polizei (miliciens pour nous). Et ils se montrèrent fort zélés : le massacre de Babiy Yar à Kiev est le fait de SS et de polizei ukrainiens (même si quelques nationalistes y ont été massacrés aussi), des supplétifs ukrainiens ont combattu en France. Et les SS ukrainiens (légion Ukrainienne et division Galicie) ont été fidèles au Reich jusqu’au bout, malgré les ennuis momentanés et relatifs de leur chef Bandera avec les hitlériens. A la fin de la guerre, un maquis d’ex nazis ukrainiens a combattu les soviétiques jusque dans les années 55. Les SS ukrainiens qui se sont rendus aux forces anglaises et américaines n’ont pas été jugés à Nuremberg, la guerre froide ayant commencé. Le procès des exactions des hitlériens ukrainiens n’a donc jamais été fait et de nombreux descendants vivent aujourd’hui au Canada mais aussi en France. En URSS, il était convenu chez tous les Soviétiques qu’il fallait croire le contraire de ce que racontait la propagande officielle. Comme les nazis, étaient «les méchants» ils pouvaient devenir «gentils» pour les jeunes générations qui n’en avaient pas souffert. Encore plus facilement en Ukraine occidentale, où en plus des membres de la famille avaient combattu à leur côté. Dans le reste de l’URSS, y compris en Ukraine orientale, dont les ressortissants ont été particulièrement mal traités dans les camps de concentration nazis, la phraséologie officielle coïncidait avec ce que les familles avaient enduré. Les familles pleuraient leurs morts victimes du nazisme et acceptaient donc le devoir de mémoire qui a été abondamment utilisé. Avec l’implosion de l’URSS et la disparition de tout enseignement de l’histoire et la perte de tout repère et de toute morale, les idées nationalistes et hitlériennes, cachées au sein des familles, ont ressurgi d’autant plus facilement que les bureaucrates communistes se sont hâtés de se reconvertir en nationalistes, pour conserver une légitimité afin de garder le pouvoir et ses avantages, ou devenir des oligarques. La formation scolaire des jeunes générations a repris toute une thématique bandériste pour se distinguer, souvent assez artificiellement, des «Russes». Des statues et bustes de Bandera trônent aujourd’hui à Lvov (Lviv) et d’autres villes de l’ouest de l’Ukraine, comme Tarnopol.
DK FIN ENCADRE
Aujourd’hui, de nombreux slogans du Maidan reprennent ces mots d’ordre du passé et ont une forte connotation anti-ethnique russe, à commencer par les sautillements des manifestants criant que celui qui ne galopait pas était un «moskal», mot péjoratif pour désigner un Russe. Un peu comme si on sautillait en France en criant que «celui qui ne sautille pas, est un bougnoule» ou autre… Dans la mesure, où le pays compte au moins 20 millions de Russes et beaucoup de couples mixtes, il y a de quoi s’inquiéter. C’est ce qu’on fait les gens de Crimée, peuplée à plus de 80% de Russes et attribuée à l’Ukraine sans aucune consultation populaire par Khrouchtchev en 1954.
Le problème est que cette orientation nationaliste de l’ouest de l’Ukraine a été reprise après l’indépendance par les anciens bureaucrates communistes pour préserver une légitimité afin de rester au pouvoir et se livrer au pillage des biens de l’état, comme ce fut le cas dans le reste de l’ex URSS. C’est à partir de ce moment qu’apparaissent les fortunes oligarchiques et les familles et clans qui dominent la vie politique et économique de l’Ukraine. La part des oligarques et de leurs rivalités internes et avec des oligarques russes est une composante importante de la situation et des conflits en Ukraine. Laissons aux historiens la tâche de les démêler dans l’avenir. Pour ces bureaucrates et oligarques, il fallait tout faire pour se distinguer de la Russie. Ce n’était pas très évident : il a fallu réécrire l’histoire pour tenter de nier le parcours commun, à partir de la Russie kiévienne, pourtant reconnue pour son antériorité à Moscou.
Une voie commode et rapide a été d’adopter les affirmations des nationalistes galiciens et de lancer des affirmations mythiques comme celles-ci tirées de différents manuels et articles ukrainiens : les Ukrainiens sont le peuple le plus ancien de la terre, tirant leur nom de la ville biblique de Ur en Mésopotamie… (rien n’est dit sur les Ukrainiens de Jerimadeth!!), les populations ukrainiennes au 6ème siècle avant notre ère (sic) étaient installées sur pratiquement tout le territoire de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique… Les Moscovites sont génétiquement programmés pour le vol, l’assassinat, le viol (Goebbels en aurait pâli d’envie), le Christ est né en Galicie… Christophe Colomb était ukrainien….. Les médias russes aiment citer le président ukrainien de 1994 à 2004, Léonide Koutchma parlant dans les années 90 avec le réalisateur Andreï Kontchalovski qui a fait un film sur l’Ukraine et l’interrogeait sur son livre «l’Ukraine n’est pas la Russie» : «mais en quoi donc un habitant de Briansk se distingue-t-il de ceux d’ici ? Demandait Kontchalovski ; – En rien, avait répondu Koutchma.
Pour tenter de forger une nation «unique» alors qu’elle était diverse, il a aussi fallu imposer une langue. Là encore les variantes du galicien et des dialectes de l’ouest on a fait l’ukrainien, qu’on a opposé (alors que les langues avec leurs variantes coexistaient depuis longtemps) au russe, parlé par l’ensemble de la population, parallèlement à l’ukrainien souvent mais aussi comme seule langue maternelle et toujours comme langue historique dans les régions est et sud.
Cette affaire linguistique a pourri les vingt dernières années dans la politique ukrainienne: pour les nationalistes et les «orangistes» d’après 2004, l’interdiction du russe était un gage de «patriotisme». Pour les défenseurs de la russophonie, c’était une lutte pour un droit fondamental. Grâce à cela, ils gagnaient des voix et des sièges à l’est et au sud. Mais une fois élus, s’empressaient de ne pas tenir parole et de ne pas défendre le russe jusqu’au bout (c’est à dire sa reconnaissance comme seconde langue officielle), vraisemblablement pour ne pas épuiser le filon…. Tout en déchaînant les passions, cela permettait aux deux camps de ne pas parler ni de s’occuper des problèmes autrement plus sérieux de la gouvernance du pays, du développement économique, de l’équipement, des questions environnementales… Et de se livrer aux détournements systématiques, à la corruption et à l’arbitraire.
Le mouvement du Maidan
Malgré la division du pays et ces différences, tout le monde était d’accord à l’ouest et à l’est (pas tout à fait pour les mêmes raisons) qu’il y en avait assez et tout le monde voulait «vivre normalement» avec des salaires décents et un minimum de services dans l’éducation et la santé. Les masses se sont réellement soulevées contre des «élites» politiques totalement discréditées au cours des vingt ans de pouvoir de clans, d’oligarques rivaux et de satrapes corrompus qu’ils aient la tête d’un Viktor Ianoukovitch et de sa famille ou les jupons d’une Youlia Timochenko, sans parler de Léonide Koutchma, Viktor Iouchtchenko etc. Ces dirigeants ont mené le pays au défaut budgétaire à répétition et maintenu leur population dans un niveau de vie lamentable. Les acquis de l’époque soviétique en matière d’éducation, de culture et de protection sociale et médicale, tout médiocres qu’ils fussent, ont disparu.
Aux comportements de «vivre sur la bête» de tous les dirigeants, ceux de la fameuse «révolution orange» ont ajouté du dogmatisme et un nationalisme agressif et non fondé, tant le pays est varié et composé de bric et de broc au fil de l’histoire. Les brimades et humiliations, souvent liées à l’usage du russe, dirigées contre la population de la moitié orientale et méridionale du pays ont été une des raisons pour lesquelles Viktor Ianoukovitch a gagné les élections en 2010, puis les législatives en 2012. A noter que les élections présidentielles ont été jugées «exemplaires» par l’OSCE. Ianoukovitch, malgré tous ses défauts, représentait donc un pouvoir légal et légitime juridiquement.
Ianoukovitch n’a pas tenu parole. Il a «trahi» comme disent les russophones et Russes de l’est et du sud. Comme il a aussi trahi tout le monde en racontant des contes de fées sur le partenariat européen qui allait débloquer une pluie de dollars et même d’euros (des collègues enseignants d’université m’ont raconté que leurs étudiants étaient persuadés que dès la signature du partenariat, leur bourse passerait de 800 hrivnas /90 euros/ à 800 euros et, plus grave, des profs parlaient de 3.000 euros de salaire !). Il promettait de signer depuis deux ans, avant de se ressaisir au dernier moment, en comprenant qu’il n’obtiendrait pas ce qu’il souhaitait du coté de l’UE et qu’il risquait de perdre beaucoup du coté russe. Il a donc demandé un délai qui lui a été refusé de fait par les dirigeants de l’UE. Cette dernière porte une responsabilité colossale dans la façon dont a tourné toute cette affaire ukrainienne (cf. encadré). L’avenir dira si ce fut volontaire ou par maladresse et ignorance. Vraisemblablement, une volonté déterminée a su exploiter les ignorances et les indifférences.
ENCADRE UE
L’UE responsable et coupable :
Viktor Ianoukovitch a accumulé les erreurs dans cette affaire mais il faut bien dire que les négociateurs de l’Union européenne ne l’ont pas aidé. Sans entrer dans les détails, le partenariat avec l’Union européenne ne signifiait pas du tout une adhésion à l’UE ni à court ni même à moyen terme. L’UE n’en n’a ni les moyens ni l’envie. Mais ce n’est pas ce qu’on a laissé entendre aux dirigeants et surtout aux populations ukrainiennes, y compris lorsque des dirigeants de l’UE allaient «chauffer» les foules sur le Maidan au cours du mouvement.
Fin 2012, le Conseil Européen propose que le traité d’association, complété d’un traité de libre-échange soit signé lors du Sommet du partenariat Oriental de Vilnius en novembre 2013, à la condition que l’Ukraine mène des réformes électorales, judiciaires et constitutionnelles.
La partie centrale du projet d’association économique de 1200 pages est le Deep and Comprehensive Free Trade Agreement (DCFTA). Il s’agit d’un accord de libre-échange étendu, qualifié par l’UE « du plus ambitieux accord bilatéral» jamais signé par elle. Le chapitre 1 annonce que : « la vaste majorité de tarifs douaniers seront éliminés aussitôt l’accord entré en application. […] Globalement, l’Ukraine et l’Union européenne éliminerontrespectivement 99,1% et 98,1 % des tarifs douaniers». Ce qui évidemment aboutira, puisque maintenant l’accord est signé, à une ruine de ce qui reste d’industrie ukrainienne et mettra à mal ses autres exportations car elles ne correspondent pas aux critères de l’UE et ne pourront se faire sans droits de douane vers la CEI, dont la Russie, avec laquelle jusque là l’Ukraine avait une zone de libre échange. Or il faut avoir à l’esprit que les principaux partenaires économiques de l’Ukraine étaient en Russie, en Asie et au Moyen-Orient. L’Union européenne n’arrivait qu’en 4 ème position. Un accord économique avec l’UE n’était donc pas une priorité. C’est pourquoi, au sommet Europe/Ukraine du 25 février 2013, Viktor Ianoukovitch indiqua qu’il ferait de son mieux pour répondre aux demandes européennes, et déclara :
« Je poursuis les négociations avec la Russie pour trouver le bon modèle pour une coopération avec l’Union Douanière orientale »
En réponse, selon l’agence Ukrinform, le président de la Commission, José Manuel Barroso (depuis remplacé par Junker) lui indiqua que :
« Un pays ne peut à la fois être membre d’une union douanière et dans une zone avancée de libre-échange avec l’Union européenne »
L’Union européenne, inspirée par d’autres ou non, sommait donc l’Ukraine de choisir son camp Objectivement , c’est incontestablement une erreur, puisque l’Ukraine a besoin des deux, voire des trois autres, mais il en est autrement si c’est une volonté politique et stratégique…
Du coté de Ianoukovitch, ses erreurs ont été à plusieurs niveaux :
Il a probablement pensé, que, vu sa position géostratégique, l’Ukraine allait pouvoir recevoir beaucoup d’argent de l’Union européenne. Les Européens orientaux (ceux hostiles à la Russie par principe ou par l’histoire et dont des représentants étaient des négociateurs pour l’UE) ont probablement pensé de leur coté, que le président ukrainien, une fois impliqué dans le processus de l’association avec l’UE et poussé par sa propre population à laquelle tant de choses étaient promises depuis des années, ne pourrait plus faire machine arrière, même en découvrant que l’Ukraine n’obtiendrait pas tout ce qu’elle escomptait comme argent. Calcul tragique mais juste et finalement l’Ukraine obtient plus d’argent mais à priori la population ukrainienne n’en verra pas beaucoup. Durant les négociations, on a parlé de 600 millions d’euros de l’UE (les négociateurs polonais et tchèques ont parlé de 20 milliards à Ianoukovitch) et de plusieurs milliards du FMI, pour notamment la restructuration indispensable de l’industrie ukrainienne. Mais les exigences du FMI et de l’UE portent évidemment sur des mesures anti-sociales drastiques et des privatisations qui permettront notamment à des compagnies allemandes et peut-être américaines de mettre la main sur les meilleures unités de production ukrainiennes, après les avoir renflouées avec des fonds publics.
Il est possible aussi que Ianoukovitch a pu penser qu’il parviendrait à convaincre la Russie de maintenir le régime de libre-échange avec l’Ukraine. Profitant alors d’une zone de libre-échange à la fois avec les pays de l’Union douanière et ceux de l’UE, l’Ukraine aurait pu vivre confortablement sur le flux de marchandises qui aurait transité, par son territoire, depuis l’Union européenne vers la Russie et les pays de la CEI. La Russie et les pays de l’Union douanière, y étaient en fait prêts et ont proposé des négociations à quatre (Ukraine, UE, Russie, Union douanière) à plusieurs reprises et par plusieurs canaux, publics et privés. Toutes refusées par l’UE dans le droit fil des convictions ou des mentors de M. Barroso.
La Russie a alors commencé à prendre, fin juillet 2013, des premières sanctions commerciales contre l’Ukraine. Pour que le message soit clair, elle a commencé par fermer le marché russe… aux chocolats de l’entreprise Roshen de Petro Porochenko. Tout en maintenant ses propositions de négociations à 4 et même en accordant, en décembre, après le report de réponse à l’UE, une nouvelle réduction sur le prix du gaz et une aide de 15 milliards de dollars à l’Ukraine à de très bonnes conditions. 3 milliards ont été versés, ce qui a permis aux fonctionnaires ukrainiens d’être payés et de passer des fêtes d’année correctes.
Le 27 juin, l’accord d’association avec l’Union européenne a été signé par 31 des participants à la réunion de Bruxelles, notamment le président ukrainien Piotr Porochenko, le premier ministre géorgien Irakli Garibachvili et le premier ministre moldave Iouri Leanca.
Le ministère russe des Affaires étrangères avait averti que l’association des pays de l’espace post soviétique avec l’UE pourrait nuire significativement à l’économie russe, entraînant la réduction des liens commerciaux avec ses voisins. Moscou a notamment souligné qu’après l’adhésion de ces trois pays à l’UE les autorités russes seraient forcées de prendre des mesures pour protéger leur marché contre l’affluence de produits européens exonérés de taxes. Cela impliquera des pertes pour la Russie qui s’y est peu préparée, malgré les apparences. Pour l’Ukraine, aussi la chute du PIB sera sensible, non seulement à cause de la situation en général mais aussi à cause de la baisse des exportations en Russie de produits agricoles et de l’industrie alimentaire. Et si l’Ukraine était exclue de la ZLE de la CEI, (ce qui n’est pas encore fait mais pourrait ne pas tarder), elle ne réussirait pas à se réorienter vers de nouveaux marchés étrangers car les marchandises ukrainiennes ne sont pas demandées en UE.
C’est là que surgit toute une série de questions à l’UE. Posées à plusieurs reprises à des responsables européens mais n’ont jamais eu de réponse …
1) Pourquoi avoir contraint l’Ukraine à signer la partie économique de l’accord et ne pas s’être contenté du partenariat politique qui aurait suffi pour répondre à l’aspiration légitime de la population à plus de justice et de démocratie ?
2) Pourquoi l’avoir obligée à «choisir» entre la CEI et l’UE et avoir systématiquement refusé les propositions de négociations russes sur les modalités d’une double zone de libre-échange ? Pourquoi avoir refusé les propositions de Poutine, faites en janvier 2014, de discuter d’une zone de libre-échange à l’échelle de toute l’Europe (les échanges entre l’UE et la Russie s’élèvent à près de 500 milliards de dollars et l’interdépendance énergétique est connue de tous) ? Pourquoi avoir finalement accepté d’en parler à Minsk le 26 août 2014, alors que c’était ce qui était demandé dès le début ?
3) Pourquoi avoir raconté autant d’histoires et fait tant de promesses à la population et même aux dirigeants ukrainiens qu’on sait ne pas vouloir tenir ? Pourquoi avoir refusé l’argent qu’il demandait à Ianoukovitch pour proposer 11 milliards d’euros (qu’on prend où ?? ) aux autorités issues du coup d’état du 22 février ?
4) Pourquoi ne pas avoir inclus des modalités de précaution en cas de non application dans l’accord signé le 21 février à Kiev par le président Ianoukovitch, les opposants et les trois ministres ou leur représentant de la France, de l’Allemagne, de la Pologne ? Pourquoi ne pas avoir protesté contre la violation immédiate de cet accord et avoir reconnu immédiatement les autorités formées après le coup d’État ? Pourquoi ne pas avoir réclamé une assemblée constituante ?
5) Pourquoi avoir ignoré les informations communiquées par le ministre estonien des affaires étrangères à Catherine Ashton sur les tireurs d’élite, ayant tiré sur les policiers et les manifestants, vraisemblablement à partir de territoires occupés par le Secteur droit ? Pourquoi ne pas avoir exigé une enquête sérieuse sur le sujet ?
6) Pourquoi être resté silencieux sur la prise de pouvoir insurrectionnelle dans les régions ouest et avoir protesté contre les mêmes faits en Crimée puis dans le Donbass, à la suite du coup d’état à Kiev ? Alors que les premières mesures du gouvernement issu du coup d’état étaient nettement orientées contre la partie russe de la population majoritaire en Crimée et dans l’est ?
7) Pourquoi ne pas reconnaître la situation de guerre civile en Ukraine et accuser la Russie ? Pourquoi ignorer le massacre d’Odessa ? Pourquoi refuser toute négociation et ignorer les victimes civiles des bombardements par les forces kiéviennes et les milices payées par Kolomoïski ? Pourquoi ne pas aider les dizaines, voire les centaines de milliers de réfugiés à cause des bombardements ? Pourquoi n’avoir accepté que Kiev choisisse le cessez-le-feu à Minsk seulement en septembre ?
8) Pourquoi agir par «sanctions» contre les propres intérêts des pays de l’UE, confrontés à une crise économique sérieuse, ce qui représente un degré zéro de la diplomatie et un «double standard» évident au vu de la situation internationale, notamment au Moyen-Orient ?
9) Pourquoi avoir accusé la Russie et les insurgés de l’est dans l’affaire du MH17 (Boeing de la Malaysian airlines abattu), avant toute enquête et ne pas exiger des Nord-américains qu’ils publient ou donnent les photos satellites et les écoutes qu’ils ont sur le sujet ? Et des Kieviens qu’ils disent ce qu’il y avait dans les enregistrements des communications entre les tours de contrôle et l’avion qui ont été saisies par le SBU (service secret ukrainien) et non la police, tout de suite après «l’accident» ? Un mois plus tard, rien n’était encore publié…
10) Pourquoi encourager une guerre de l’information qui met en cause la crédibilité des médias et pousse vers les sources alternatives qui vont du meilleur au pire ?
FIN Encadré UE
SUITE TEXTE
Lorsque Ianoukovitch a vu que son plan de profiter de tout le monde ne marchait pas et qu’en plus l’UE exigeait de lui qu’il libère Youlia Timochenko, qu’elle allait lui opposer pour les prochaines élections présidentielles de 2015, il a refusé de signer le 21 novembre à Vilnius en annonçant les sommes d’argent dont il avait besoin et que l’UE n’avait pas du tout l’intention de lui donner à l’époque. Elle a annoncé aujourd’hui 11 milliards d’euros qu’elle prend on ne sait d’où et qui vont faire plaisir aux Grecs, aux Espagnols, Italiens et à nous Français… On les aurait promis avant, tout cela eût pu être évité. L’Ukraine est en quasi cessation de paiement par défaut budgétaire et a besoin d’urgence d’au moins 35 milliards de dollars. Mais il ne pouvait plus expliquer tout ça à une opinion bercée depuis plusieurs années par tous les médias à l’idée que le partenariat UE permettrait tout de suite d’arrêter la corruption, de réformer la justice et d’augmenter le niveau de vie…..
De la spontanéité pacifique aux cocktails Molotov et aux snipers mystérieux
Ce fut donc l’étincelle d’où est jaillie la flamme d’un mouvement populaire à Kiev, soutenu au début avec sympathie dans le reste du pays, puisque tout le monde y avait cru. Mais très vite, les manifestants spontanés du Maidan et les étudiants sont rejoints par des masses de jeunes gens venus de Galicie, les provinces de l’ouest de l’Ukraine, où le chômage fait des ravages, où le partenariat européen était perçu comme la possibilité d’avoir des visas pour aller travailler dans l’Union européenne, où enfin les partis d’extrême droite ultra-nationaliste voire nazie, sont le mieux implantés.
Le fameux «mouvement de masse pacifique de trois mois» cher à nos médias a en fait été très variable. Il ne fut pacifique qu’une semaine ou deux et ce fut au mieux une centaine de milliers de personnes (il y a 45 millions d’habitants en Ukraine) au plus fort des mouvements. Dont une dizaine de milliers de jeunes hommes venus de l’ouest et organisés, entraînés et armés par les partis d’extrême droite et leurs financeurs. La fable des «manifestants pacifiques, des étudiants auxquels des grand-mères apportent des pavés avec le goûter» sont démenties par les images où l’on voyait des manifestants marcher en rang au pas, jeter des cocktails Molotov, former des tortues à la romaine avec des boucliers (essayez, c’est impossible sans entraînement) ou tirer au fusil, comme sur la une du Figaro du 21 février où l’on voit des manifestants casqués tirer au fusil à pompe mais légendés par le Figaro comme «les forces de l’ordre ont tiré sur des manifestants désarmés…». Sans même parler de la prise des bâtiments gouvernementaux et des arsenaux dans les trois provinces ouest de l’Ukraine, dès avant la prise du pouvoir à Kiev. C’est-à-dire en fait, ce qui est maintenant reproché à la Crimée ou à Donetsk. Mais à l’époque les gouvernements de l’OTAN n’avaient rien trouvé à redire.
Comme le mouvement s’essoufflait dans la première semaine, on a assisté à un cycle de répression-provocations-répression. Au début, d’une manière quasi caricaturale : dans la nuit du 29 au 30 novembre 2013, le chef de l’administration présidentielle un dénommé Livochkine, selon des députés ukrainiens, ordonne aux «berkout», les CRS locaux, décriés par la suite et qui sont pour la plupart originaires des régions est et de Crimée, de dégager la place, alors occupée par des étudiants et des manifestants non armés, à coup de matraques. Ça se passe à 4 heures du matin mais comme par hasard toutes les chaînes de télévision, surtout les occidentales, sont là. Les images projetées partout provoquent inévitablement l’indignation et la foule se rue vers le Maidan et se solidarise avec le mouvement. Ianoukovitch est trahi dans son camp et quelqu’un mène une opération de communication de très haut niveau. Des députés ukrainiens témoignent de ces événements et l’écrivain André Kourkov, très favorable au mouvement, confirme cette charge à quatre heures du matin, heure à laquelle d’habitude les équipes de télévision dorment si elles n’ont pas été appelées à l’avance !
A partir de là, le mouvement change de nature. Des groupes d’extrême droite organisés prennent les choses en main. On voit apparaître les drapeaux rouges et noirs (certains ont complaisamment pensé qu’il s’agissait d’anarchistes !) et les portraits de Stepan Bandera. Les groupes armés de bâtons et de cocktails Molotov, au début, puis de quelques armes à feu apparaissent. Ils construisent des barricades, sont fournis en pneus et attaquent la police. Qui de son côté reçoit des ordres contradictoires. Elle doit charger puis s’arrêter au lieu de poursuivre son avantage. Elle ne reçoit pas de gilets pare-balles alors qu’on commence à lui tirer dessus. Deux personnes sont tuées par des «snipers» inconnus. On accuse la police qui dément. L’opposition refuse de participer à l’enquête. Plus tard, on apprend que ce n’est pas la police qui a fait tirer.
Les manifestants veulent sincèrement et naïvement «l’Europe, l’Europe, l’Europe», en sautant comme des cabris, selon la formule de De Gaulle, alors que le sujet n’est plus celui-là mais bel et bien la prise du pouvoir. En février, après moult épisodes de provocations-répression, d’attaques de mieux en mieux organisées par des commandos qui se servent bien sûr des protestataires pacifiques et non organisés, des dizaines de personnes, policiers et manifestants, sont tués par des tireurs d’élite. On sait aujourd’hui que les balles ayant tué les policiers et les manifestants étaient les mêmes et que les tirs partaient d’un hôtel contrôlé par le «Secteur droit», la coalition néo-nazie, fer de lance de l’offensive. C’est ce qui a été dit lors d’une conversation téléphonique par le ministre estonien des affaires étrangères à Mme Catherine Ashton, chargée des Affaires étrangères au sein de la Commission européenne, qui ce jour là ne comprenait pas bien ce qu’on lui disait, bien que ce fut dit en anglais… Le pouvoir de Kiev refuse d’enquêter sur le sujet ! Il se contente d’accuser sans preuves d’hypothétiques agents russes !! Ce sera une accusation systématique par la suite, malheureusement reprises complaisamment par une presse occidentale, ayant perdu tout esprit critique ou prudence lorsque les affirmations venaient de ceux qu’on avait décrété être «les gentils».
Toutes les propositions de compromis faites maladroitement par Ianoukovitch à l’opposition institutionnelle, comme le poste de Premier ministre à Arseni Iatseniouk, actuel Premier ministre après le coup d’état et très pro américain (il ne s’exprime d’ailleurs quasiment qu’en anglais) et successeur de Youlia Timochenko, emprisonnée et qu’il ne se dépêchait pas de faire libérer, ou à Viktor Klitchko, le boxeur résidant en Allemagne, sont refusés. Celui qui accepterait n’est pas sûr de se faire entendre des groupes organisés d’extrême-droite et risque de se trouver désavantagé pour la course aux présidentielles, encore plus ou moins ouvertes, ce qui ne sera plus le cas ensuite, le protecteur américain ayant fait connaître son choix de Petro Porochenko, oligarque du chocolat. Dans l’ouest du pays, le pouvoir est pris de force par les groupes d’extrême droite avec le consentement de la population et des troupes qui ouvrent les arsenaux.
La nuit qui ébranla Kiev : accord caduc et prise «révolutionnaire» de la Rada
Le sang a coulé. Du côté des manifestants et de leurs conseillers, on peut passer à la suite. Trois ministres de l’UE : le Français, l’Allemand et le Polonais viennent à Kiev. A la demande de Ianoukovitch, les Russes envoient un médiateur, M. Loukine, militant connu des droits de l’Homme. Le 21 février au soir, un accord est signé entre Ianoukovitch, les trois dirigeants de l’opposition institutionnelle, car représentée à la Rada (Batkivchina, Oudar, Svoboda) et les trois ministres de l’UE ou leur remplaçant, M. Fabius étant parti au Japon. Loukine a signé une première partie mais pas la seconde, objectant avec raison, comme la suite le démontrera, que rien n’est prévu au cas où l’accord n’est pas respecté. Cela ne tarde pas. Alors que l’accord prévoit des élections présidentielles anticipées vers la fin de l’année, après une révision constitutionnelle à laquelle participeront les élus de toutes les régions et un désarmement du Maidan, ce dernier aux mains des milices d’extrême droite refuse. Les «révolutionnaires» proclament qu’ils prendront le Parlement dès le lendemain matin et ne cachent pas qu’ils veulent faire subir à Ianoukovitch le sort de Ceausescu. Il dira plus tard, lors d’une conférence de presse à Rostov sur le Don, qu’il a été menacé de mort ainsi que sa famille. L’accord est caduc dès sa signature car les signataires de l’opposition institutionnelle ne sont pas en mesure de le faire respecter. Les oligarques qui soutiennent le parti des Régions de Ianoukovitch changent de camp et obligent leurs députés prébendiers à en faire autant. Ianoukovitch s’envole alors à Kharkov, ancienne capitale ukrainienne à l’est, pour y participer à un congrès des élus de l’est et du sud de l’Ukraine, espérant sans doute y être soutenu. Il n’y assistera pas.
Tentative d’apaisement à Kharkov
Alexei Pouchkov de la Douma russe assiste lui à ce congrès qui ostensiblement cherche à calmer le jeu. Les élus prennent des précautions en décidant de contrôler les forces armées et les arsenaux de leurs régions respectives pour éviter que des bandes en prennent le contrôle, comme à l’ouest du pays. Mais ils ne rejettent pas tout de suite le «putsch» de fait qui s’est passé à Kiev et la décision de la Rada de revenir à la version 2004 de la Constitution. Elle donne davantage de pouvoirs au législatif. Même Pouchkov déclare que le congrès de Kharkov «n’est pas obligatoirement contre le retour à la Constitution de 2004».
Toutefois, «l’élection» d’Alexandre Tourchinov, un pasteur évangéliste, comme président de la Rada et président par intérim simultanément, c’est-à-dire cumulant les deux pouvoirs en une seule personne, commence à poser problème. Cela va s’approfondir avec les premières mesures décidées et la remise aux calendes grecques de la révision constitutionnelle. A l’est du pays, on espère une structure fédérale, voire confédérale du pays pour tenir compte de l’histoire du pays, qui a aggloméré des nationalités et des régions au cours des siècles. Les partis nationalistes de l’ouest ne veulent pas en entendre parler.
Cette Rada ne songe pas à laisser la place à une assemblée constituante, comme l’aurait exigé toute véritable révolution. Plusieurs députés ont dit par la suite avoir été menacés par des membres du Secteur de droite. Des scènes filmées en témoignent. Parmi ses premières décisions elle décide de l’interdiction du russe dans les provinces dont c’est la langue maternelle (imaginez qu’on interdise le français au Canada !) et parle de «dé russifier» l’Ukraine et de «lustrer», c’est-à-dire d’ouvrir une chasse aux sorcières et d’interdire les partis en désaccord avec ceux qui viennent de renverser le pouvoir impopulaire mais légal. Dans les provinces de l’ouest, le parti des Régions de Ianoukovitch et le parti communiste ont été interdits et leurs membres poursuivis. La presse occidentale n’en parle pas, déroulant sa romance sur la «démocratie» du Maïdan. Aujourd’hui, le parti communiste est interdit et les députés du parti des régions, représentant l’est sont empêchés de parler par le «démocratique» Tourtchinov, redevenu président de la Rada. Ces députés sont chassés violemment de l’enceinte du Parlement, comme cela s’est passé à la fin de juillet.
A la tentative de calmer le jeu de la part des élus de l’est et du sud en février, au moment du coup d’état, s’est ajoutée la libération de Youlia Timochenko, l’ancienne première ministre, qui était détenue à Kharkov. Elle sort de la prison et s’envole tout de suite pour Kiev et le Maidan. Où le soir même elle prononce un excellent discours en fauteuil roulant : tout son savoir-faire y passe. Mais en vain. Elle ne retourne pas le Maidan qui reste contrôlé par l’extrême droite galicienne. Les gens n’ont pas oublié toutes les casseroles que traîne Timochenko, qui elle aussi a laissé les caisses vides en partant.
Un gouvernement, sans Timochenko, est formé après marchandages entre partis et immixtion directe de conseillers américains, comme l’a montré un enregistrement capté, vraisemblablement par les services secrets russes ou ukrainiens avant la prise du Parlement. Quatre ministres, dont un vice-premier ministre mais aussi la culture et l’enseignement, ô combien sensibles, sont confiés à l’extrême droite néo-nazie qui reçoit aussi le poste de Procureur général et contrôle de fait le ministère de l’intérieur par des nominations de responsables.
Le mouvement qui aurait pu être un ciment national tant l’accord était général, au moins au niveau du peuple, pour rejeter le pouvoir des oligarques, a été dès le début récupéré par des oligarques, déjà abondamment compromis dans la direction politique passée du pays, avec comme bras armé une extrême-droite violente et raciste, contre près de la moitié de la population ukrainienne. A noter que c’est sans doute la première fois dans l’histoire (mais peut-être pas la dernière) qu’un mouvement populaire est pris en main par des formations nazies qui vont jusqu’au renversement violent du gouvernement légal. Hitler et Mussolini ont été élus et une concurrence à gauche existait. Pas en Ukraine en 2013-2014 et les rares militants de gauche ou syndicalistes ont été chassés du Maidan manu militari à plusieurs reprises. Aujourd’hui, toute revendication ou contestation sociale est assimilée à de la «trahison», grâce à la situation militaire créée par le régime qui s’est lancé dans une fuite en avant en attaquant sa propre population de l’est.
Au lieu de rechercher une unité nationale, acceptable par tous, le choix a été de pousser à l’exclusion et à la confrontation. Une telle situation ne pouvait évidemment pas être acceptée sans réagir par les provinces de l’est et surtout la Crimée, qui a une histoire particulière.
La fuite en avant guerrière: se créer une légitimité et empêcher toute contestation sociale
Le nouveau pouvoir que certains qualifient dès lors d’oligarquo-nazi se doit dès lors de se créer une légitimité, sans réunir une Assemblée constituante et sans appeler à un référendum sur la nouvelle organisation de l’état. Car le nouveau pouvoir ne veut surtout pas d’une consultation de toute la population. Il cherche au contraire à écarter toute la partie de sa population qui risque d’être «pro-russe», comme la caractérisent les nationalistes de l’ouest et la presse occidentale. Et il y a bien sûr toute une partie des Ukrainiens qui sont soit russes tout court, soit ont des intérêts liés à la Russie pour leur travail ou leur business. Une majorité d’oligarques ukrainiens décide pour sa part de jouer la carte des Américains, estimant qu’ils seront ainsi à l’abri de la concurrence d’oligarques russes, qui sont les seuls susceptibles de racheter les entreprises ukrainiennes défaillantes dans le contexte économique et politique désastreux de l’Ukraine. Ils sont capables de les faire marcher, connaissant les règles du jeu locales. Alors que des Occidentaux qui rachèteront les affaires (notamment les Allemands) auront besoin des Ukrainiens au moins un certain temps, avant que ces derniers ne puissent se retirer en Suisse, à Monte Carlo ou à Londres avec un bon paquet de dollars.
Pour donner un semblant d’allure démocratique, les auteurs du coup d’état ou ses bénéficiaires organisent des élections présidentielles précipitées et multiplient les déclarations hostiles à la partie orientale du pays tout en maintenant une guerre de l’information infernale accusant des Russes bien hypothétiques de tous les maux, y compris de la guerre à l’est où les habitants détruiraient eux-mêmes leurs maisons ! Malheureusement, le monopole de l’information étant assuré par l’interdiction des chaînes russes (d’où la propagande n’est évidemment pas absente non plus), la population peu avertie a tendance à y croire.
Ils doivent aussi satisfaire et intégrer toutes les milices d’extrême droite qui ont véritablement fait le Maidan et sans doute leur permettre de se lancer dans une opération guerrière visant à légitimer le nouveau pouvoir et à occuper tous ces combattants sans emploi, ailleurs que dans la capitale, où ils risquent de trop réclamer. Cet objectif correspond assez bien à ceux des éléments américains qui s’occupent de l’Ukraine depuis des années et maintenant ne cachent même plus leur implication directe (comme le montre par exemple la visite à Kiev du directeur de la CIA et auparavant la conversation téléphonique interceptée par les Russes avec le fameux «fuck the EU» de Victoria Nuland, la secrétaire d’état adjointe chargée de l’Europe, parlant à l’ambassadeur US à Kiev Geoffrey R. Pyatt). L’objectif est d’affaiblir, voire attaquer la Russie et sans doute d’établir des bases, notamment à Sébastopol, non seulement contre la Russie mais aussi pour intervenir au Moyen-Orient. La propagande américaine, suivie d’une presse complaisante affirme bien sûr qu’il n’en est rien malgré tous les éléments qui l’indiquent (cf encadré OTAN).
Encadré OTAN
L’Ukraine est un objectif stratégique des États-Unis qui ont bien signifié à leurs «alliés» de l’OTAN et de l’UE que l’Ukraine serait avec la Géorgie un prochain membre de l’OTAN. Au sommet de Bucarest, en 2008, les dirigeants des pays de l’Alliance sont convenus que la Géorgie et l’Ukraine, deviendraient un jour membres de l’Alliance. En décembre 2008, les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Alliance ont décidé de renforcer les possibilités de soutenir ces deux pays dans les efforts engagés pour satisfaire aux exigences liées au statut de membre, en mettant à profit le cadre existant de la Commission OTAN-Ukraine. Au cours du sommet, les Français (pourtant sous Sarkozy) et les Allemands se sont montrés réticents. Ces derniers étaient conscients que ce serait là un acte de quasi-guerre contre la Russie, compte-tenu que l’alliance nord-Atlantique n’a pas changé de nature malgré la chute du régime soviétique. C’est à cela qu’il faut faire remonter le malentendu fondamental actuel entre l’OTAN et la Russie. Après l’implosion de l’URSS, l’alliance atlantique n’avait plus de raison d’être telle quelle. Les Russes, déjà avec Gorbatchev mais surtout sous Eltsine envisageaient tout à fait d’entrer dans une OTAN revue, par exemple en défense d’une civilisation européenne commune. Non seulement cette proposition, pourtant appuyée dans les faits par la chute du mur de Berlin, la libération des Démocraties populaires, puis l’éclatement de l’URSS elle-même et l’ouverture de toutes les industries de défense à la reconversion et souvent à la vente mais en plus les promesses faites à Mikhail Gorbatchev puis à Boris Eltsine de ne pas «étendre l’OTAN d’un pouce vers l’est», n’ont pas été tenues. A partir de 1995, l’OTAN s’installait dans les pays de l’est européen dans les pays baltes. Puis y installait des systèmes de missiles anti-missiles qu’elle présentait, non sans mépris et contre toute évidence, comme étant orientés contre … l’Iran ! Quand les Russes ont proposé de placer ces missiles en Azerbaïdjan, qui était d’accord, l’OTAN a refusé.
L’OTAN, et surtout sa partie militaire, est évidemment un bras armé des décisions et des intérêts géopolitiques des États-Unis.
En background des événements et de leur rôle en Ukraine, il faut garder à l’esprit les doctrines géo-stratégiques états-uniennes et la situation économique actuelle des États-Unis et de l’Europe occidentale. Passons rapidement sur la doctrine James Monroe qui depuis 1823 interdit à toute puissance européenne de se manifester sur tout le continent américain. A l’époque le président Monroe promettait de ne pas se mêler des affaires européennes… La deuxième partie a été abolie par Roosevelt. La mention de cette doctrine est pour s’étonner que ce que les USA proclament pour eux-mêmes, ils ne le reconnaissent pas aux autres. Que la Russie puisse être préoccupée par sa sécurité et son voisinage ne lui semble guère légitime. Par rapport à la Russie, c’est la doctrine Zbigniew Brzezinski, ancien secrétaire d’état de James Carter et conseiller des présidents US ensuite, qui reste d’actualité. Son ouvrage fondamental est le Grand Échiquier, écrit dans les années 80. Schématiquement, il prône pour conserver le leadership américain de contrôler la zone eurasiatique (heartland) et pour cela de faire éclater l’URSS (ce qui est fait) puis la Russie, ce qui reste à faire. Pour ce contrôle, l’Ukraine est évidemment une pièce maîtresse, d’autant plus que les Russes avec Vladimir Poutine se sont mis à parler d’Eurasie et sont en train d’y bâtir une zone de libre échange économique et une alliance militaire avec l’accord de Shanghai. Un autre pilier de cette doctrine est celle dite de Paul Wolfowitz, sous-secrétaire à la défense en 1992, année où a été publiée sans retouches d’abord, l’idée centrale que les États-Unis devenus seule super-puissance dans le monde ne devait permettre à aucune autre puissance de rivaliser avec eux et d’accéder au statut de super-puissance. Malgré des dénégations publiques dans les médias par des politiciens nord-américains, le président Bush junior s’en est réclamé à plusieurs reprises et cela reste la pierre angulaire de l’idéologie de toutes les officines néo-conservatrices qui interviennent notamment en Europe de l’est sous couvert de nombreuses ONG, officiellement orientées vers les droits de l’Homme et la démocratie…
A cet arrière-fond idéologique, s’ajoute une motivation économique plus conjoncturelle, quoique stratégique. Le déficit budgétaire nord-américain a atteint plus de 7.000 milliards de dollars et la confiance en la monnaie nord américaine ne se maintient que grâce à la force militaire des USA et l’interdépendance avec les fournisseurs principaux du pays, dont la Chine, l’Arabie saoudite, la Russie et l’Union européenne. A en croire des experts comme le professeur Paul Christie, de l’université de Columbia et membre du Conseil de Sécurité des USA dans une interview à la revue de l’université allemande de Brême en juillet 2014, la solution choisie est de faire payer ce déficit par la seule économie capable de le faire : celle de l’Union européenne. Pour cela il faut créer un espace économique commun (d’où les négociations secrètes sur le Traité transatlantique de libre échange) y compris dans le domaine de l’énergie. Cela comprend le retournement des fournitures d’énergie à l’Europe à partir des gaz de schiste américains et donc l’arrêt des achats à la Russie mais aussi à de nombreux pays du Moyen-Orient, mis à feu et à sang par la politique nord-américaine. L’Ukraine joue un rôle important en ce domaine, non par elle-même mais comme pays de transit du gaz et du pétrole russe. Les problèmes et les tensions ne manqueront pas de s’accroître dès la fin de l’été. Cela explique aussi tous les efforts américains pour empêcher les Russes et leurs partenaires de construire le «southstream», gazoduc passant au sud de l’Europe, en évitant l’Ukraine, en symétrie du northstream qui heureusement pour nous fonctionne entre la Russie et l’Allemagne. Selon M. Christie, toute résistance de l’Union européenne est impensable et impossible pour des raisons politiques (la différence d’appréhension de la Russie entre l’ouest et l’est de l’Union européenne – la vassalité des dirigeants des pays de l’UE, dont maintenant la France) et économique (le récent épisode BNP et l’acquisition de l’Alstom par exemple illustrent cette réalité et il en est de même dans le domaine de la défense, la politique de dissuasion qu’avait la France s’éloigne de plus en plus). Du reste, on promet aux consommateurs de l’Union européenne un relatif maintien de leur niveau de vie. On ne dit pas à quelle proportion.
Malgré cet arrière-fond, connu de tous, la reprise de l’offensive ratée à cause de l’échec de la pseudo «révolution» orange avec tant de violence et de détermination, au moment du succès des Jeux olympiques de Sotchi, a surpris la direction russe. L’implication aussi intense de l’Union européenne, la supervision directe et ouverte de Victoria Nuland du Département d’État pour renverser un gouvernement ukrainien démocratiquement élu pour placer des russophobes extrémistes au pouvoir à Kiev, et l’attaque des régions dissidentes d’anciens territoires russes et le déchaînement du président Barak Obama, accueilli pourtant par un prix Nobel de la Paix, quelque peu prématuré, à son arrivée, étaient inattendus pour le Kremlin. Barack Obama n’est sans doute pas le principal initiateur de l’opération. Mais il n’a rien fait pour arrêter les néo-cons et les lobbies, prêts à mettre l’Europe à feu et à sang une nouvelle fois après les deux saignées subies au XXème siècle.
Leur triomphe, se manifeste actuellement avec un projet de loi dangereux : le projet de loi 2277 du Sénat, constitué de trois titres : “Donner un Nouvel Elan à l’Alliance de l’OTAN”, “Dissuader de Futures Agressions Russes en Europe”, “Préparer l’Ukraine et les autres Pays d’Europe et d’Eurasie Contre les Agressions Russes”. En cas, d’intervention ou de provocation ukrainienne en Crimée, le déclenchement d’un conflit armée est inévitable. Les États-Unis feront tout pour faire payer les pays de l’Union européenne. Ils ont commencé à réclamer des hausses de budget de nos pays dès le sommet de l’OTAN au Pays de Galles. Par la suite, la guerre sera menée vraisemblablement par l’intermédiaire de chair à canon ukrainienne, la moins chère d’Europe, au moins dans un premier temps. Aux chômeurs dûs aux sanctions réciproques contre la Russie, s’ajouteront ceux que nos dirigeants ne manqueront pas de consentir, sans en avoir les moyens, à leurs seigneurs nord-américains. Ces derniers ont même obtenu des gouvernants français la suspension et peut-être l’annulation du contrat sur la vente des «Mistral», ce qui en plus du symbole de vassalisation accrue et de problèmes économiques et sociaux en France, va porter atteinte à la crédibilité de la signature français, la grande satisfaction des vendeurs d’armes anglo-saxons (par exemple pour les euro-fighters contre le Rafale en Inde).
L’implication de l’OTAN est déjà réelle en Ukraine avec l’aide apportée aux gardes nationaux et autres forces kiéviennes qui bombardent les populations de l’est de l’Ukraine et voulaient sans doute y mener des opérations de massacre et de nettoyage ethnique, après une défaite possible des résistants de l’est, bien moins nombreux et mal armés malgré ce qu’assure la propagande occidentale qui oublie totalement la situation et le nombre des réfugiés, en Ukraine mais surtout en Russie. Mais la situation économique de l’Ukraine, le discrédit politique croissant de la nouvelle équipe kiévienne et les dissensions en son sein entre Parachenko et Iatseniouk, la démoralisation de l’armée et l’afflux de volontaires russes et autres du coté des insurgés peut faire jouer le temps et les saisons en leur faveur. Dans l’ensemble, il faut tout de même bien avoir à l’esprit que la population ukrainienne dans son ensemble (est et ouest) est épuisée par les conditions de vie qu’elle subit depuis vingt ans et que la passivité et la recherche de survie est l’attitude la plus majoritaire.
Mais l’OTAN nie ces facteurs et claironne sur une fausse «invasion» russe et des «colonnes de chars», soit disant venus de Russie en reprenant le même type d’intoxication que ce que les USA avaient pratiqué sur les armes de destruction massive supposées de Saddam Hussein. Le résultat assuré est un accroissement de tension et un climat de pré-guerre en Europe, au moment où un califat islamiste coupe les têtes de journalistes au couteau dans le Machrek, avant de faire sa jonction avec l’Afrique centrale et de l’Ouest…
Fin Encadré OTAN
Crimée : du referendum au retour dans le giron russe…
En Crimée, la majorité de la population n’a jamais accepté la rattachement à l’Ukraine décidé par Nikita Khrouchtchev en 1954, sans rien demander aux habitants bien sûr. (Aujourd’hui, les anti-russes professionnels interrogés à longueur d’antenne dans nos médias affirment parfois que la Crimée fut donnée «en échange de territoires» sans préciser lesquels ! Et pour cause, c’est faux. Ils disent aussi que la Crimée «fut ukrainienne avant le Khanat tatare», ce qui est pour le moins difficile puisque l’Ukraine en tant que telle n’existait pas…). En fait, jusqu’en 1991, ce n’était pas très important puisque c’était l’URSS. Mais quand les quelque 60% de Russes, et même plus à l’époque, se sont réveillés «à l’étranger», comme ils disent localement, ils ont un sentiment profond de désespoir et d’abandon. Il y a eu des incidents jusqu’en 1994. Là, un accord avec la Russie à Budapest sur le nucléaire ukrainien les a privés de tout espoir de voir la Russie les défendre. Le statut d’autonomie qu’ils avaient obtenu s’est réduit comme peau de chagrin. Sébastopol n’a plus eu le droit d’élire un maire (comme Paris depuis la Commune jusqu’à Chirac), les tribunaux, la police, les administrations sont passées sous contrôle direct de Kiev qui y a placé des «fidèles».
Des Tatares, déportés sous Staline après la guerre sous l’accusation injustifiée pour leur majorité, de collaboration avec les Allemands, sont arrivés en masse sans qu’on sache très bien d’où parfois. Ils se sont mis à squatter des terres avec un soutien systématique des tribunaux contre les propriétaires ou les locataires russes sous la présidence de Viktor Iouchtchenko, amené au pouvoir par la «révolution orange». Des organisations tartares, des médias, un «Majlis» (Parlement) même apparaissent. Avec des moyens financiers. Aujourd’hui, les terres squattées par les Tatares il y a huit ans, sont couvertes de maisons et de mosquées, payées avec de l’argent de Turquie, des Émirats arabes unis et des États-Unis. Le but des nationalistes ukrainiens et des bailleurs de fonds était évidemment d’installer une population susceptible de s’opposer aux habitants actuels.
Lorsque les autorités locales de Crimée ont rejeté le gouvernement jugé illégal de Kiev et ont commencé à réclamer un référendum sur le statut de véritable autonomie (au début il n’était pas question d’indépendance), prévu d’abord au 25 mai comme les présidentielles de Kiev, des tentatives de provocation ont été montées par les Kiéviens en s’appuyant sur des Tatares (environ 12% de la population). Les demandes des Criméens ont été brutalement rejetées par Kiev et les autorités de la presqu’île ont alors pris les choses en main et ont annoncé un référendum d’indépendance, puis de retour à la Russie. On entend parfois, notamment parmi des opposants russes à Poutine que la Constitution ukrainienne ne prévoit pas de référendum d’autodétermination et que donc la consultation décidée en Crimée serait «illégale». Mais c’est oublier un peu rapidement que la Constitution en question ne prévoit pas non plus de coup d’Etat… Des manifestations de masse ont eu lieu à Simferopol. Une énorme manifestation en faveur du retour à la Russie et une autre par des Tatares.
Selon les témoignages recueillis sur place, c’est là qu’ont joué un rôle «les petits hommes verts», c’est à dire les soldats russes basés à Sébastopol et peut-être d’autres, dont les autorités locales ont demandé et obtenu l’appui à Moscou. Certains Tatares étaient armés et avaient vraisemblablement l’intention de provoquer des incidents avec les autres manifestants. Les «petits hommes verts» leur ont simplement fait valoir que eux aussi étaient armés et qu’en cas d’incidents, ils devraient s’en prendre à eux mêmes. La question a été réglée. Ensuite, les Tatares, dont une vingtaine de pour cent, selon les estimations sur place étaient pour un retour à la Russie, ont réglé certains problèmes avec des représentants du Tatarstan de Kazan (historiquement ce sont deux hordes et deux khans différents) et il n’y a plus eu d’incidents graves. (témoignages sur place)
Devant les mesures unilatérales du «gouvernement» illégitime de Kiev, les menaces des nazis du gouvernement de «dé-russifier» l’Ukraine et de leurs partisans de «se débarrasser des Moskals», les Criméens pouvaient difficilement rester les bras croisés. Ils ont donc fait ce qu’avaient fait les activistes de l’Ouest avant eux et ont pris le contrôle des bâtiments gouvernementaux, des casernes et arsenaux. Ils ont élu un maire à Sébastopol et un nouveau Premier ministre les représentant . C’est ce dernier qui a demandé un appui logistique aux militaires russes de la flotte de la Mer Noire, cantonnée à Sébastopol et l’a obtenu. Selon des sources proches de l’administration présidentielle russe, ce qui a définitivement décidé le Kremlin à répondre positivement est le fait qu’il a su que des Américains étaient en train de préparer l’installation de navires américains, non seulement dans les parties ukrainiennes du port mais aussi à la place des Russes, auxquels pourtant les installations étaient louées jusqu’en 2047. Selon ces sources des travaux avaient même commencé.
Contrairement à ce qu’a pu affirmer le «gouvernement» de Kiev, malheureusement repris par une grande partie de notre presse sans aucune réflexion ni prudence, qui a accusé la Russie d’avoir envoyé par avion 2.000 soldats à Simferopol, la Russie n’avait nul besoin d’organiser des ponts aériens pour le faire car elle avait 11.000 hommes sur place. Toute la presse occidentale a repris cette bêtise, sans même demander aux habitants s’ils avaient entendu un va et vient d’avions. En plus de la garnison, la Russie a pu envoyer des unités mieux entrainées mais qui n’avaient pas besoin d’être nombreuses. Les Russes emploient plus de 30.000 personnes à la base navale. C’est dire qu’ils sont plutôt bienvenus dans un pays au chômage endémique et au niveau de vie poussif.
A une écrasante majorité (96%) et avec une participation impressionnante(83%), la population s’est prononcée pour un retour à la Russie le 16 mars 2014. Tous les témoignages de bonne foi concordent : contrairement à ce qu’affirme la propagande de Kiev relayée par nos médias, personne n’a «eu un canon sur la tempe» pour voter et la participation a été la plus importante qu’ait jamais connue la presqu’île.
ENCADRE ELECTIONS : A l’époque soviétique, les votes étaient formels et obligatoires ! Les assesseurs vous apportaient l’urne à domicile et demandaient de signer pour se débarrasser de la corvée au plus vite. Sous administration ukrainienne, les Criméens sous le gouvernement orange, se sont vu réduire le nombre de bureaux de vote, pour décourager les électeurs de faire la queue, et se sont vus changer leurs noms de famille dans le sens d’une pseudo «ukrainisation». Ainsi par exemple, une madame Koukla (poupée en russe) devenait Mme Lioula (poupée en ukrainien). C’est comme si en France un M. Abdel Haq devenait M. Serviteur de la Vérité… Évidemment sans lui demander son avis ! On imagine ! En tout cas, pour les premiers scrutins, des gens ne savaient pas comment ils s’appelaient et ne pouvaient pas se trouver dans les listes électorales. (témoignages sur place en 2009)
Fin encadré
Les troupes ukrainiennes en Crimée se sont soit ralliées à l’armée russe (où elles seront mieux payées), soit ont demandé à regagner l’Ukraine. Seules deux personnes ont été tuées par un provocateur sniper qui a tué un cosaque pro-russe et un soldat ukrainien. Tout le reste de l’opération s’est passé rapidement et proprement avec une quasi unanimité de la population. Cette dernière n’aurait pas été acquise quelques semaines plus tôt, selon des témoignages locaux, mais l’adhésion massive a été due à la politique et à l’attitude de Kiev. A noter que six mois plus tôt encore, Moscou poursuivait en Crimée sa politique d’aide au rapatriement des Russes restés bloqués à l’étranger après l’implosion de l’URSS. Au grand dam des députés pro-russes de la Rada locale de Crimée qui protestaient contre cette politique auprès de M. Serguei Lavrov, ministre des affaires étrangères russe, lui-même. (témoignage personnel – déclarations de M. Serguei Tsekov, député à la Rada de Crimée)
Du point de vue international, les Américains et leurs suiveurs, dont malheureusement la France, qui invoquent facilement le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et ont fait des référendums au Monténégro ou à Mayotte et même en Écosse par exemple et proclamé l’indépendance du Kosovo dans les conditions de violence que l’on sait, ne veulent pas en entendre parler en Crimée. Méprisant ainsi le droit du peuple de Crimée à disposer de lui-même, ils ne reconnaissent pas le résultat et parlent «d’annexion», ignorant volontairement l’histoire et la population locale. On entend parfois invoquer le fait que le retour de la Crimée à la Russie serait la première modification de frontières en Europe depuis 1945. Encore une fois, il n’en est rien, ne serait ce qu’avec le démantèlement tragique et guerrier de la Yougoslavie ou pacifique de la Tchécoslovaquie. Mieux encore, des pays ayant attaqué sans déclaration de guerre la Grenade, Panama, la Serbie RFY, l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, sans parler de la Syrie, qui sont intervenus au Mali (à juste titre mais ce n’est pas la question) ou en Centrafrique (sans en avoir les moyens) ou qui envoient des drones au Yémen ou au Pakistan, se permettent de pontifier et de se croire investis du pouvoir de «prononcer des sanctions» contre la Russie. Elle n’a pourtant tué personne en Crimée, contrairement à ce qu’ils ont fait dans tous les cas cités !
Quelques semaines plus tard, l’impression générale à Simferopol et à Sébastopol était un grand soulagement, en raison de la guerre civile dans le Donbass. Les Criméens estimaient qu’ils l’avaient échappé belle car contre eux, les nationalistes de l’ouest se seraient encore plus acharnés que contre les gens de Donetsk, selon eux. Les Ukrainiens ont coupé un canal qui alimentait la presqu’île en eau douce. Des récoltes ont été perdues. Le remplacement des passeports, la remise en route de la Justice qui est passée aux lois russes en tenant compte des us et coutumes locales, la lutte contre les mafias locales à l’ukrainienne, étaient en train de se faire, avec plus ou moins de grincements mais sans incidents notables. Le plus grave a été le vol par la banque ukrainienne Privat, qui appartient à l’oligarque Igor Kolomoïski, des dépôts de ses nombreux clients de Crimée. Il refuse tout simplement de rendre leur argent. Aucun journal occidental ne mentionne ce fait qui relève du vol et met en cause la déontologie bancaire privée.
C’est une personnalité lugubre qui tout en étant richissime s’est aussi fait nommer gouverneur de Dniepropetrovsk, une ville de l’est mais traditionnellement rivale de Donetsk, où il a constitué des milices privées bien armées et payées, recrutées le plus souvent parmi, les groupes nazis de l’ouest ukrainien. Elles massacrent allègrement les habitants des régions de Lougansk et Donetsk. L’armée ukrainienne est moins zélée. Il semblerait même qu’il emploie des milices de la firme américaine Academi, utilisée sous son nom précédent (Blackwater) par les USA en Irak où ils ont commis quelques méfaits aussi. Paradoxalement, cet oligarque, qui fut proche de Ianoukovitch mais est adversaire d’autres oligarques, est vice-président du Congrès juif européen mais n’hésite pas à utiliser et soutenir les groupes nazis de l’ouest. Des spécialistes israéliens interrogés sur ce sujet se disent beaucoup plus réservés que lui et annoncent que des plans d’évacuation de juifs d’Ukraine sont prêts, à l’instar de ce qui s’était pratiqué en Moldavie lors de la crise de la Transnistrie en 1992.
Élections présidentielles et fédéralisation
Kiev se prépare à une élection présidentielle pour tenter de légaliser le pouvoir issu du coup d’Etat du 22 février et surtout exclure toute assemblée constituante ou consultation par référendum. Tout débat sur une fédéralisation ou une confédéralisation du pays, réclamée par une bonne partie de l’opinion, notamment à l’est et au sud, est rejeté et de fait interdit. Un des candidats à l’élection présidentielle, député de Dniepropetrovsk, Oleg Tsarev, qualifié de «pro-russe» par les gazettes occidentales, mais en fait partisan de la fédéralisation du pays, est agressé et sérieusement battu alors qu’il venait participer à une émission de télévision le 14 avril par des partisans de «l’euroMaïdan», que l’on continue à l’ouest d’appeler démocratique. Il sera contraint finalement de retirer sa candidature et rejoindra la résistance à Kiev et les partisans de la fédéralisation dans l’est. Kiev a même mis sa tête à prix.
Après cette agression, Oleg Tsarev déclarait à la presse : «Je suis venu à Kiev pour être entendu, pour dire qu’il existe une possibilité de préserver l’intégrité du pays. Il suffirait d’écouter les gens qui ont une opinion différente…. Il y a des gens bons à l’Ouest et à l’Est du pays, mais nous devons tous apprendre à vivre ensemble. Si nous voulons sauver notre pays, il faut commencer par tolérer l’autre.» (cité par le Courrier de Russie mais évidemment soigneusement boycotté par les Monde et autres Libération). Ce qui n’est pas, on en conviendra la déclaration d’un «séparatiste» et encore moins d’un «terroriste», comme le qualifieront les tenants du pouvoir à Kiev…
Mieux encore, il disait dans la même déclaration à Kiev à propos d’une intervention de l’armée russe, souhaitée par certains à l’est après le retour de la Crimée à la Russie, que «Je suis contre l’entrée de l’armée russe sur le territoire ukrainien. Personne ne doit intervenir, il nous faut résoudre la situation par nos propres moyens. Tant que nous ne respecterons pas les opinions différentes de la nôtre, l’Ukraine n’arrivera à rien.»
Le plus étonnant dans l’affaire est que les alliés américains et allemands des putschistes de Kiev, qui sont pourtant des fédérations qui ne marchent pas si mal, la refusent à l’Ukraine. Mieux : les partisans les plus décidés de l’intégration de l’Union européenne qui déplorent chaque jour qu’il reste un peu d’indépendance à des nations la composant et réclament la transformation en fédération «pour plus d’efficacité», refusent ce droit à l’Ukraine, ou au moins la tenue d’un référendum sur le sujet ! Même la Belgique, qui sait ce qu’il en est des querelles linguistiques, et les a partiellement calmées en se fédéralisant, s’associe aux mesures anti-fédéralistes en Ukraine. Elles ont pris maintenant une forme militaire par le bombardement des populations de la région du Donbass.
Le massacre d’Odessa
Alors que des troupes kiéviennes et des milices d’oligarque commençaient à attaquer les Ukrainiens de l’est, un summum d’intolérance et de limitation de toute liberté d’expression des partisans de la fédéralisation s’est produit d’une manière odieuse et tragique le 2 mai à Odessa. Cette ville portuaire du sud, riche d’un folklore et de particularités fortes, connues dans tout le monde russophone, compte évidemment de nombreux partisans de la fédéralisation. Le 2 mai, certains d’entre manifestaient et distribuaient des tracts dans des stands installés devant la Bourse du Travail locale. Au même moment, des partisans de «l’Ukraine une et unie», vraisemblablement renforcé par des commandos du Secteur droit (néo-nazis de l’ouest) venus d’ailleurs, selon des habitants d’Odessa, manifestaient aussi avec parmi eux des supporters d’équipes de football. Des bagarres ont éclaté, sans qu’on sache encore par qui elles ont été provoquées au début. Les «commandos footballistiques» pro Maidan s’en sont pris à leurs adversaires violemment, qui en se défendant ont tué un des assaillants. Les commandos anti-fédéralistes, dont certains armés, soutenus par des partisans du Maïdan et bénéficiant d’une passivité totale de la police, ont pourchassé les partisans de la fédéralisation dans la Bourse du travail, assassinant certaines personnes avec des armes à feu et mettant le feu au bâtiment avec des cocktails Molotov, afin de brûler vifs les autres. Ceux qui tentaient de s’échapper par les fenêtres et arrivaient vivants en bas, étaient lynchés à coups de battes de base ball par la foule. Une femme de ménage de la Bourse du travail a été étranglée avec des fils électriques par un gros bras, vraisemblablement membre du secteur droit : on entendait hurler la pauvre femme du dehors, comme le montre une vidéo faite au téléphone portable et placée depuis sur Youtube. L’assassin masqué se montre ensuite, les hurlements ayant cessé, à la fenêtre en saluant et est acclamé par les assaillants… Une photo du cadavre pouvant laisser penser que la femme était enceinte a ensuite été publiée. Au total, 46 personnes ont été tuées, dont au moins 38 brûlées vives. Au moins 200 blessés ont été recensés.
L’odieux a été atteint sur internet et les réseaux sociaux où les anti-fédéralistes ont donné libre cours à leur conception de la démocratie et de la tolérance : «Quel bon Chachlik (brochettes de barbecue) !» ont écrit certains tandis que d’autres appelaient «à griller encore des colorados» (doryphores – nom qu’ils ont donné aux partisans de la fédéralisation qui arboraient des rubans de St Georges, décoration russe reprise pour commémorer la victoire sur le nazisme en 1945). D’autres commentaires donnent franchement envie de vomir et il est accablant que de telles choses puissent être pensées et écrites en Europe au XXIème siècle !
L’enquête sur ces crimes n’avance guère. La presse occidentale s’est surpassée pour soit taire complètement ce massacre ou le réduire à un petit fait divers. Libération a battu un record en affirmant qu’il s’agissait d’un différend entre supporters de football (en fait, il n’y avait des skin heads footballeurs seulement coté du Secteur droit) et que certains avaient mis le feu parce qu’ils étaient en état d’ébriété…. Pas un mot sur ceux qui achevaient les fédéralistes lorsqu’ils essayaient de quitter le bâtiment. Ni l’UE, ni les États-Unis n’ont jugé bon d’exiger une enquête et la punition des coupables. Depuis, les habitants d’Odessa qui auraient des velléités d’idée oppositionnelle se terrent. D’autant, que la criminalité s’est considérablement accrue dans la ville, qui a des traditions en la matière mais à un tout autre niveau.
La révolte du Donbass
L’affaire d’Odessa, malgré le silence qui l’a entourée à l’ouest de l’Ukraine et chez nous, a frappé les imaginations et renforcé la détermination des fédéralistes de l’est, qui du coup sont devenus séparatistes. Les régions industrielles de Lougansk et de Donetsk, qui ont une tradition ouvrière, contrairement à l’ouest rural, sont non seulement heurtées par les offensives kiéviennes sur le plan linguistique et ethnique mais aussi sur le retour des oligarques au pouvoir, contre lesquels pourtant prétendait lutter le mouvement du Maïdan. Devant le refus des autorités de Kiev d’organiser un référendum sur la fédéralisation ou d’envisager une assemblée Constituante, décident d’organiser un référendum eux mêmes, qui devient un référendum sur l’indépendance de leurs régions. Celui-ci s’est tenu le 11 mai 2014. Certains des dirigeants «séparatistes» ne cachent pas qu’ils demanderont ensuite à la Russie de les accueillir, comme elle l’a fait pour la Crimée. Des appels à l’aide sont d’autre part lancés. Sans réponse positive de Moscou qui est bien embêtée : d’un coté il faut défendre et se solidariser avec une population en grande majorité russe et en tout cas russophone qui demande de l’aide, d’un autre, la situation n’est pas la même qu’en Crimée. Les populations sont beaucoup plus mélangées et le Donbass fait partie de l’Ukraine depuis les années 20, alors que la Crimée n’était de fait sous administration ukrainienne que depuis vingt ans. Selon des témoignages russes sur les réfugiés actuellement en Russie, les sectes protestantes américaines ont fait de nombreux adeptes dans ces régions en raison de la pauvreté et de la déséspérance.
De plus, il faut comprendre que contrairement à ce que proclame la propagande occidentale, la Russie n’a aucunement intérêt à une partition de l’Ukraine. Elle préfère de loin un pays stable, viable en acceptant sa diversité, et neutre. Un pays limité aux provinces de l’Ouest ne serait pas viable économiquement et accueillerait inévitablement des bases de l’OTAN en menant une politique continuelle de provocations et d’incidents par hostilité idéologique et par pauvreté. Du reste, le président Poutine conseille aux dirigeants de Donetsk et de Lougansk de reporter leur référendum à après les élections présidentielles prévues par Kiev. Sans succès. Le référendum se tient avec une participation importante mais avec une impréparation qui ne peut être aussi juridiquement recevable que le référendum en Crimée. Il n’empêche que le sentiment général de la population ne fait pas de doute. Mais les gens sont las et le niveau de vie, quoique meilleur qu’à l’ouest du pays, n’incite guère à de grands débats. Lorsque Kiev répondra au référendum des gens de l’est à coups de canons et de bombes, en traitant ses concitoyens de «terroristes», les habitants vont fuir en masse, pour la plupart en Russie mais quelques uns aussi vers l’ouest. La Russie n’intervient pas, si ce n’est en assurant un soutien politique et humanitaire et en envoyant des conseillers et en laissant passer des volontaires de toutes sortes qui veulent combattre aux cotés des insurgés résistant contre Kiev. Certains sont de piètres combattants et plusieurs seront tués dès leur arrivée.D’autres en revanche, assurent la supériorité tactique des insurgés malgré le déséquilibre des forces.
De l’autre coté, en revanche, le moral des soldats de l’armée régulière est au plus bas et leur commandemant est désastreux, au point que certains ont même pensé que des soladats étaient sacrifiés volontairement. Au début certains ont même été nourris par les habitants des régions insurgées. Mais les milices et la «Garde Nationale», formée avec des détachements des partis nazis occidentaux, sont eux bien équipés, payés et motivés pour «casser du russe». L’aide américaine et sans doute de l’UE, l’implication d’oligarques comme Kolomoïski, la remise en marche d’usines d’armement et la récupération de ce qui n’a pas été vendu dans les stocks soviétiques de défense avancée, permet aux forces de Kiev d’améliorer leurs équipements et leur armement lourd. Mais le moral des troupes reste bas. On estime à 40.000 hommes les forces engagées par Kiev. De leur côté, les résistants, qu’on estime à 30.000 mais qui bénéficient d’arrivées de volontaires internationaux, ne pouvaient compter au début que sur leur enthousiasme et sur des armements obsolètes. Les stocks soviétiques sont moins bien garnis dans leur région car considérés de deuxième ligne et ils n’ont pas eu d’armement lourd. Mais les choses se sont modifiées au cours du conflit et surtout dès la fin août : de l’équipement lourd a été pris aux kiéviens ou à l’armée ukrainienne presque tous les jours. Ils ont sans doute bénéficié de contrebande d’armes légères venues de Russie mais en tout cas, pas d’armes lourdes, comme aiment à l’affirmer les anti-russes professionnels, diffusés à longueur d’antenne sur nos médias. Ils ont brillamment combattu et avec beaucoup plus de motivation que leurs adversaires, qui en fait ne l’étaient pas au niveau de l’homme de troupe. Cela a permis à la propagande occidentale d’affirmer que Vladimir Poutine mène le combat dans l’est de l’Ukraine. Incontestablement, les Russes ne sont pas neutres dans le conflit. Mais ils ont adopté une position de non-belligérance. Pour des raisons de politique intérieure et d’intérêt géopolitique, ils ont vraisemblablement fait une pression énorme sur les insurgés pour accepter le cessez-le-feu accepté par Porochenko pour empêcher la prise de Marioupol, le port stratégique sur la mer d’Azov, ouvrant la voie à Odessa. Juste au moment du sommet de l’OTAN au Pays de Galles. Au niveau sanctions, ça n’a pas servi à grand-chose. La guerre de l’information s’est calmée, l’offensive anti-islamiste ayant pris le dessus. Mais si les insurgés sont en danger, la Russie devra bien réagir, surtout après avoir prôné la modération. Les dissensions entre dirigeants de l’insurrection compliquent les choses aussi. Mais des élections, à forte participation, mais très parcellaires aussi comme celles de Kiev, ont l’avantage d’avoir fourni des interlocuteurs revêtant une certaine légitimité à des protagonistes qui souhaiteraient discuter et non guerroyer. Porochenko a fait des déclarations affirmant qu’il n’aurait pas d’interlocuteurs à l’est. Il les a maintenant. Reste la volonté politique de négocier. Elle ne dépend pas forcèment de lui.
Les sanctions exigées par les États-Unis contre la Russie et que les Européens appliquent contre leur intérêt évident et dans la plus totale injustice apparaissent encore plus dans leur incohérence diplomatique. La diplomatie est faite pour négocier entre partenaires amicaux ou non, pas pour décréter des sanctions comme un maître d’école dans une cour de récréation. De plus, on ne peut accuser les Russes, et particulièrement Poutine, de tous les maux de la terre. C’est un procédé de communication employé par les services de propagande américains (cf blog de Neil Clark), à l’instar de ce qui avait été fait contre l’Irak, la Yougoslavie, la Syrie ou la Libye. Le bilan est particulièrement brillant en Irak et en Libye !
La catastrophe du MH17 erreur ou provocation ?
L’affaire du Boeing de la Malaysian airlines abattu le 17 juillet mériterait un chapitre à lui seul, tant le déchaînement de propagande et les mensonges accumulés ont été nombreux. On ne peut aller dans les détails : l’excellent site www.Les-crises.fr fait brillamment le point sur la question. Quelques remarques doivent être gardées à l’esprit : des accusations ont été proférées par Kiev et Washington et reprises dans nos gazettes sans aucun sens critique avant toute enquête. Les insurgés n’ont pas de missiles Buk permettant d’atteindre un avion à 10.000 mètres et à supposer qu’ils aient pu s’emparer d’une telle batterie (ce qu’on aurait inévitablement su), elle nécessite un savoir faire et des équipements radars qu’ils sont incapables de manier et d’installer en une matinée, comme ont voulu le faire croire les Kiéviens qui n’ont pas hésité à diffuser une vidéo montrant une batterie de missiles buk avec un ou deux missiles manquants en affirmant que les insurgés ramenaient ces missiles en Russie ! Un examen de cette vidéo, montrée sans vérification par presque toutes les télévisions occidentales et présentée comme «preuve» démontrait exactement le contraire car les panneaux visibles derrière la batterie se situaient dans une zone contrôlée par les kiéviens !! Il en a été de même pour des enregistrements audio. Présentés sur YouTube et de nombreuses télévisions sans vérifier, comme un «rapport» par de soi-disant insurgés à de soi-disant officiers traitants russes à Moscou. Ces enregistrements ont en fait été collés dès la veille avec des bouts de conversation récupérés de plusieurs enregistrements à des dates différentes. Ce qui est visible en mémorisant ces enregistrements car la supercherie a été faite à la hâte. Mais même sans cela, un journaliste occidental honnête aurait pu, avant de faire passer ces faux pour vrais, s’interroger sur la vraisemblance d’une telle conversation ! Si comme l’affirmaient par ailleurs les propagandistes de Kiev, les missiles avaient été servis par des Russes, ces derniers auraient fait rapport eux-mêmes et ce n’est pas un quelconque pied nickelé qui aurait dit en clair que «Oups, il avait abattu un Boeing»!!! La même presse occidentale a systématiquement oublié de mentionner dans ses back grounds, l’avion Tel-Aviv-Novossobirsk abattu par erreur par l’armée ukrainienne en octobre 2001… On s’est en revanche rappelé, alors que ça n’a rien à voir, de l’avion coréen abattu en 83 en Exrême-Orient, après sommation par les soviétiques parce qu’il transportait tout un équipement électronique d’espionnage, comme les Américains l’ont reconnu discrètement des années plus tard. Certains parlent d’un autre avion espion volant en même temps.
Mais surtout, dans toute cette affaire, pourquoi les États-Unis refusent-ils de publier les photos prises par leur satellite espion de dernière génération qui se trouvait juste à ce moment là au-dessus du lieu du tir ? Pourquoi ne répondent-ils pas aux questions sur la déviation de trajectoire de l’avion ? Sur la présence d’un avion militaire SU-25 près de l’avion ? Pourquoi les services secrets ukrainiens ont-ils confisqué tous les enregistrements des conversations avec les aiguilleurs du ciel de Kiev et de Dniepropetrovsk ? Où a disparu un aiguilleur du ciel espagnol qui travaillait à Kiev et avait commencé à parler à des journalistes ? Pourquoi ne pas répondre aux 10 questions posées par l’État-major russe qui, lui, a publié des documents à deux reprises, y compris des photos satellites qui laissent penser fortement que ce sont les forces ukrainiennes de Kiev qui ont tiré un missile Buk ou que le chasseur qui se trouvait à coté lui a tiré dessus ? C’est ce qui aurait tendance à ressortir des premiers résultats des boîtes noires, dévoilés en langage pour le moins sibyllin par les Néerlandais qui les ont dépouillées et qui ont encore repoussé d’un an la publication des résultats. Il ne suffit pas de les balayer d’un revers de main en disant qu’ils sont faux, encore faut-il prouver pourquoi. Pourquoi les porte-parole US citent-ils Youtube, Twitter et Facebook comme seules «indications» des accusations très graves qu’ils portent sans preuves contre les insurgés ? Pourquoi la presse occidentale prend-elle pour argent comptant de telles inepties ? D’autant qu’elle sait bien par qui sont rédigés de nombreux tweet et autres facebooks…
Malheureusement, l’affaire est soit une erreur, soit une provocation. La clé est vraisemblablement à chercher du coté Kiévien et les États-Unis et nos spécialistes le savent parfaitement bien. Elle est intervenue à un moment où les forces kiéviennes étaient en difficulté sur le terrain, et à la veille d’un jour où des perspectives de négociations entre Kiev et plus exactement le président Porochenko et des insurgés pouvaient peut-être avoir lieu. Quel pouvoir a réellement Porochenko? Quel est le but des bombardements d’artillerie et aériens contre les populations civiles de l’est et le refus obstiné de toute négociation jusqu’aux accords de Minsk ? N’est-ce pas purement et simplement un nettoyage ethnique ? L’intention des Kiéviens de bombarder les installations d’épuration d’eau de Donetsk et de Lougansk, qui plus est en essayant de faire croire que ce sont les résistants qui l’auraient fait contre eux-mêmes (!) peut le laisser penser. La destruction systématique des usines et des capacités de production de cette région qui assure une partie importante du PIB ukrainien peut aussi le laisser penser. Plus de 100.000 personnes, selon l’ONU, et peut-être jusqu’à 500.000, selon des chiffres russes, sont aujourd’hui réfugiées sur 1,8 million qui peuplent la région. La plupart se réfugient en Russie. Au lieu d’être accablée de sanctions, aussi injustes que ridicules, cette dernière devrait au contraire bénéficier d’une aide internationale pour l’aider à faire face à l’afflux de réfugiés.
Visiblement, tout est fait pour tenter de pousser la Russie à la guerre. Jusqu’à présent, elle a su l’éviter mais il n’est pas si sûr que Poutine puisse retenir son opinion la plus radicale si des massacres de masse survenaient dans le Donbass, comme semblent prêts à le faire les forces kiéviennes, appuyées, conseillées et guidées par des Américains. Ces derniers épousent visiblement les thèses les plus guerrières des néo-conservateurs US, pour qui tout est bon pour conserver la prééminence de l’empire et du dollar dans le monde. En début de mandat, Obama tenait pourtant un discours différent, non sur la préservation de l’empire mais au moins sur la Russie, dont il a obtenu de sérieux soutiens dans les premières années de son pouvoir. Son intervention contre l’Etat islamique en Irak et le sort du plan de paix, adopté par les Kiéviens, grâce à l’implication de l’ancien président Léonide Koutchma, et les Novorossiens à Minsk le 19 septembre sera déterminant pour l’immédiat. Il a été adopté visiblement avec l’encouragement des Russes qui ont du faire pression sur les éléments les plus radicaux du Donbass et Lougansk, qui ont dû renoncer à la prise de Marioupol, port stratégique sur la mer d’Azov et voie vers Odessa. Avec la reprise vraisemblable des hostilités, des batailles sont prévisibles à Marioupol et Slaviansk. Ce sont des objectifs stratégiques indispensables pour rendre la « Novorossia », qui s’est autoproclamée état, d’être viable.
Une élection présidentielle prédéterminée :
Si les médias occidentaux et notamment français sont restés muets sur Odessa ou les bombardements de civils dans l’est de l’Ukraine, on a abondamment entendu parler des élections présidentielles organisées le 25 mai par le pouvoir de Kiev, issu du coup d’état du 22 février. Toujours soucieux d’une bonne com. à l’ouest de l’Europe, il a fixé le scrutin en même temps que les élections au Parlement européen de l’UE dans beaucoup de pays membres. Il n’a évidemment jamais été mentionné qu’une Assemblée Constituante eût été plus conforme à une situation qui se voulait révolutionnaire. Et qu’un référendum sur l’organisation du pays était pour le moins souhaitable pour atteindre une légitimité et une unité de l’ensemble du pays, autrement qu’en assassinant les opposants. Au lieu de cela, on a rassemblé un ensemble de candidats, à peu près tous sur la même ligne «dite pro-européenne» et russophobe, à des degrés plus ou moins forts, entre au moins trois néo-nazis et des oligarques ayant trempé dans différentes équipes au pouvoir mais ayant donné des gages à Washington, du temps du pouvoir orange, comme c’est le cas du gagnant, quasiment désigné à l’avance, le roi du chocolat et l’un des top ten des fortunes du pays, Petro Porochenko.
Les autres candidats ont été soit battus et menacés comme Tsarev, soit dissuadés de se présenter, soit de toutes les façons privés dans les faits de toute possibilité d’expression, comme ce fut le cas d’un des rescapé du parti des régions qui ne pouvait dans les faits faire campagne à l’ouest du pays (témoignages). Sans compter ceux qui ne songeaient même pas à se présenter parce que de toutes les façons une grande partie des provinces de l’est ne votaient pas et parce qu’ils ne voulaient pas cautionner le régime issu du coup d’état.
En voyant les portraits de Petro Porochenko et plus encore en prenant connaissance de sa carrière politique, on ne peut s’empêcher de se dire : «tout ça pour ça ?» en pensant aux manifestants du Maïdan, excédés par la ploutocratie des oligarques, aux morts tués par les mystérieux francs-tireurs sur lesquels l’Union européenne ne veut pas enquêter tant leur utilisation par les groupes armés d’extrême droite qui ont fait le coup d’Etat du 22 février semble évidente, aux massacrés d’Odessa assassinés ou brûlés vifs et maintenant à ceux des régions à l’est de l’Ukraine. Ou même aux soldats ukrainiens mobilisés et envoyés se faire tuer pour rien à l’est de l’Ukraine.
A première vue, Porochenko est véritablement un clone du président Viktor Ianoukovitch, qui a fui Kiev devant les menaces de mort mais qui reste constitutionnellement le président légalement élu. Malgré le fait que personne n’en veut. Même tête d’apparatchik, même carrière d’oligarque rapidement enrichi après l’implosion de l’URSS et presque mêmes postes politiques, tenus depuis vingt ans, sous tous les régimes, par le «roi du chocolat». Sa richesse ne l’a pas empêché d’être en son temps dirigeant de la Banque nationale d’Ukraine. A un détail près : le clone a subi une opération OGM qui lui vaut son élection : selon Wikileaks, les diplomates américains à Kiev dénonçaient en lui un personnage corrompu à l’époque où il dirigeait la Banque centrale. Mais il est devenu soudain beaucoup plus présentable en agissant pour l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN.
C’est ce à quoi il s’est attelé dès sa prise de fonction en renforçant les attaques contre la population de l’est, au lieu de procéder à des réformes économiques que le pays attend, en maintenant au pouvoir le gouvernement issu du coup d’état y compris les ministres et le procureur général nazis et en s’empressant de signer les partenariats avec l’Union européenne. Il est vrai en repoussant à fin 2015 l’entrée en vigueur des mesures les plus critiques pour l’Ukraine. Il est vrai qu’il a reçu des promesses de beaucoup plus d’argent que n’avait pu en obtenir Ianoukovitch. Enfin, il cherche partout la provocation contre la Russie, que ce soit sur le gaz ou l’offensive militaire contre l’est avec la garantie d’un soutien inconditionnel des États-Unis et de leurs vassaux de l’union européenne. Y compris un soutien militaire, aggravant encore la tension. Il promet d’être le complice de l’adoption éventuelle par les États-Unis de la loi 2270 qui permettra de contourner les réticences (s’il en reste) de la France et de l’Allemagne d’installer les missiles de l’Otan en Ukraine en la déclarant alliée, ce qui va accroître considérablement le risque de guerre en cas d’exactions contre les populations russes en Ukraine ou en Crimée, si les USA veulent déclencher le conflit dès maintenant. La visite de Porochenko en septembre à Washington, malgré les ovations et la propagande intensive, ne semblent pas aller dans le sens d’une adoption rapide de cette loi.
L’espoir qu’il y avait au moins un aspect positif dans son élection : l’apparition d’un interlocuteur plus ou moins légitime avec qui négocier, ne s’est réellement concrétisé que grâce au rapport de forces sur le terrain. Au lieu de négocier avec l’est et de proclamer un cessez-le-feu, comme aurait pu le faire un pragmatique dont il avait la réputation, il a accentué la répression. L’une des questions qui se posent est de quels pouvoirs réels dispose-t-il ? En dehors de son argent, c’est un homme seul. Les partis nazis qui ont pris le pouvoir et sont le fer de lance de l’offensive contre l’est avec l’oligarque Kolomoïski peuvent lui dicter sa conduite et l’empêcher de prendre toute décision qui leur déplairait. Ce que démontrent leurs manifestations et menaces contre lui après la signature de l’accord de paix le 19 septembre. L’une des palinodies fréquentes dans la presse occidentale est que les nazis ont obtenu peu de voix aux élections. Ce n’est qu’en partie vrai car on oublie toujours de compter les voix du député Oleh Lyashko, tout à fait nazi, comme ses confrères Oleh Tyahnibok (Svoboda) et Dmytro Yarosh (Secteur droit). On arrive au total à plus de 12%. Mais il est vrai que ce n’est pas un raz de marée. Toutefois, dans ces situations, l’influence de ce genre de partis de terrain est bien plus grande que ce qui ressort des urnes. D’autre part, des dissensions s’étaient manifesté au sein des partis les plus extrémistes et une partie des activistes recrutés dans la garde nationale estimaient le chef du parti Svoboda et celui du Secteur droit, «trop modérés» car ils discutaient avec des adversaires politiques. Par ailleurs, le consensus et le mot d’ordre étaient de faire passer Porochenko, pour sa présentabilité et ses liens avec les Américains. Peut-être aussi, pour le Kremlin qui a prêté l’oreille à des amis occidentaux, pour son potentiel de négociation avec les Russes, notamment sur la question du gaz. Les Russes s’y étaient déclarés prêts, par la bouche de Poutine lui-même. Porochenko a déçu cet espoir et a continué la répression contre la population de l’est. Avec les élections à la Rada (assemblée) en octobre, un nouvel affaiblissement de Porochenko a été mis en évidence avec la quasi-victoire de son premier ministre Arseni Iatseniouk, considéré comme «l’homme des Américains», comme le confirmeraient les conversations téléphoniques interaméricaines au moment du Maidan et sa proximité des scientologues. Les surenchères risquent de mettre à mal la tentative de régler ou au moins de geler les problèmes. Par ailleurs, ces élections ont permis de diminuer ou de dissimuler la présence au parlement des partis ouvertement d’extrême droite. Le caractère oligarchique du pouvoir s’affirme y compris par rapport aux troupes plébéiennes de l’extrême droite, éloignées de la rada et envoyées se faire tuer (et tuer) dans l’est.
Les problèmes de fournitures gazières à l’Europe occidentale, qui ne manquent pas de se produire dès l’automne, sont un autre prétexte et serviront aux campagnes de presse renouvelées contre la Russie. Car c’est l’un des dossiers de Porochenko, qu’on oublie un peu durant l’été. Gazprom exige le paiement des dettes de l’Ukraine. Elle lui doit 5,2 milliards de dollars et devait payer avant le 1er juin, 2 milliards, puis 500 millions avant le 7 juin, soit seulement une partie de cette dette. A charge ensuite de négocier les prix définitifs. L’Ukraine n’a payé qu’une partie de cette partie… Gazprom annonçait depuis début mai qu’il ne livrera plus qu’en pré-paiement (un peu comme une pompe à essence la nuit), à partir de juin. On peut donc s’attendre à ce que Naftogaz Ukraine «prélève» illégalement du gaz de ce qui est livré à nos pays en transit par l’Ukraine. Un accord impliquant des paiements par l’UE a été trouvé et a désamorcé la crise pour un moment. L’hiver sera l’heure de vérité, y compris pour la population de l’Ukraine. Pour aggraver les choses, les USA font pression sur les pays de transit du gazoduc sud que veut construire Gazprom, en symétrie du northstream sous-marin vers l’Allemagne, pour qu’ils interdisent le transit. Ils l’ont déjà obtenu de la Bulgarie qui pourtant y perd des royalties. Mais ont échoué face à l’Autriche et à la Hongrie. Et de leur coté, proposent de vendre aux ouest-européens du gaz de schistes, que pourtant les politiques européens ne veulent pas permettre chez nous, en raison des dégâts à l’environnement. Les députés écologistes compris, ils n’ont maintenant rien à redire contre ces ventes de gaz de schistes nord-américains ! Ces derniers ne sont pourtant pas forcèment rentables à terme, selon les spécialistes.
En revanche, les Russes ou au moins leurs médias avec plus ou moins de bonne foi, découvrent les bienfaits de l’agriculture bio en vantant les fruits venus du Tadjikistan ou du Kirghizstan, après la réponse aux sanctions occidentales en boycottant les produits alimentaires de l’UE. Les étals de fruits et légumes à Moscou sont maintenant remplis de produits venus notamment d’Israël et de Turquie, pourtant des «amis de l’OTAN» ! De même, l’interdiction de l’exportation vers la Russie de technologies pétrolières (ce qui est suicidaire pour nous et notamment Total – de ce point de vue l’accident tragique de Christophe de Margerie mérite peut-être enquête), pourrait permettre aux Russes d’investir enfin dans leur industrie.
La tragédie d’une «révolution avortée»
La tragédie de cette «révolution avortée» s’approfondit et nous entraîne, nous Européens avec elle, par la volonté d’une super-puissance qui est loin des futurs champs de bataille, même si elle sera peut-être atteinte par des têtes nucléaires. Au lieu de jouer ce qui unissait toute la population ukrainienne contre l’absence de gouvernance depuis vingt ans, la corruption et les vols systématiques des budgets de l’Etat, contre le pouvoir des oligarques, le pouvoir russophobe, placé au pouvoir à Kiev, incapable de faire face à la situation de faillite économique du pays, a joué la fuite en avant militaire contre une partie du pays. Voire accepte de « louer » sa population pour mener une guerre pour le compte d’autrui contre la Russie.
La responsabilité de certains dirigeant américains et union-européens et de la presse occidentale sont énormes car ils n’ont pas cessé de semer des illusions de prospérité et de bonheur dans la population ukrainienne, victime depuis des années d’une situation de misère sociale qui la fait aspirer bien légitimement à «une vie normale». On ne sait pas encore quelles seront les conséquences de la haine xénophobe déchaînée avec complicité de l’Europe occidentale et de ses médias contre la partie européenne que représente la Russie.
Bien sûr, la presse russe n’est pas blanche non plus dans la guerre de l’information qui s’est déchaînée mais elle a moins menti que la presse occidentale. On peut lui reprocher de ne pas avoir assez couvert le point de vue de Kiev mais il faut reconnaître que les journalistes russes ont été systématiquement interpellés, arrêtés et ont eu des ennuis avec le pouvoir kiévien. On peut aussi s’inquiéter qu’avec la montée de la tension, de plus en plus de «faucons» nationalistes et de partisans d’une intervention militaire pour sauver «les frères de l’est ukrainien» trouvent l’oreille de l’opinion et des rédactions.
Vladimir Poutine fait figure de centriste dans l’affaire car il existe aussi une opposition appelée «pro-américaine» dans l’opinion, parmi les classes moyennes et semi-intellectuelles des capitales. Elle a du reste été une des raisons d’une erreur d’analyse vraisemblable de la part des stratèges occidentaux. Les opposants en question à force de raconter à leurs bailleurs de fonds que le régime de Poutine était à la veille d’un renversement après les manifestations des deux dernières années dans les capitales russes, ont pu laisser penser qu’après le Maïdan, il serait possible d’enchaîner en Russie même. C’était ignorer la réaction et le sursaut d’auto-défense nationaliste dans l’opinion russe, en raison précisément du Maïdan et du retour de la Crimée en Russie. Cela a au contraire renforcé Poutine et la crainte maintenant pour l’avenir politique de la Russie, serait l’apparition d’un culte de la personnalité et un renforcement excessif du camp nationaliste.
La réaction à l’offensive russophobe en Occident a longtemps été mesurée mais elle a commencé à se manifester durant l’été. Cela fait partie aussi des éléments de pré-guerre.
Certes, l’absurdité de la contrainte géopolitique imposée à l’Ukraine de choisir entre la Russie et l’Union européenne, alors que le pays a évidemment besoin des deux, ne fera que s’accentuer avec la perspective d’installation de bases de l’Otan sur le flanc sud de la Russie (pour Sébastopol c’est raté), dans un pays ruiné, devenu instable avec près de la moitié de sa population brimée ou chassée et peut-être des milices diverses, quelles viennent de celles de l’oligarque Kolomoïski ou d’anciens résistants de l’est, agissant en seigneurs de guerre sur des morceaux de territoires, comme c’est le cas en Irak ou en Libye.
Et c’est malheureusement le scénario le plus optimiste si les négociations de Minsk n’aboutissent pas. L’autre étant une déflagration mondiale qui nous laissera peu de chances et qui ne dépend même pas de nous Européens qui en serons les premières victimes !
Lueur d’espoir à Minsk éteinte à Brisbane
La constitution d’un groupe de contact à Minsk redonne une lueur d’espoir. Réuni d’abord le 26 août dans le cadre d’une réunion de la CEI, dont l’Ukraine fait toujours partie, ce qui est d’ailleurs une grande partie du problème du point de vue économique, des discussions ont enfin eu lieu avec le représentante de l’UE, Catherine Ashton sur les sujets qu’Ukrainiens et Russes demandaient d’aborder depuis près d’un an (cf. encadré sur UE). Grâce à l’implication du président russe auprès des insurgés de l’est et de l’ancien président Léonide Koutchma auprès de Porochenko et des oligarques ukrainiens au pouvoir, le groupe de contact a pu obtenir un cessez-le feu, plus ou moins respecté, et se réunir le 5 septembre pour élaborer un plan de paix, prévoyant des négociations sur un statut spécial pour l’est de l’Ukraine sans indépendance. Le 19 septembre, les participants à la réunion du Groupe de contact ont centré les débats sur une feuille de route en 9 points pour la mise en œuvre des dispositions du protocole de paix du 5 Septembre. Les représentants de Kiev et des «séparatistes», ce qui est déjà un succès diplomatique, ont convenu de prolonger le cessez-le-feu et de créer une zone démilitarisée de 30 km entre les lignes des belligérants. Ce protocole a été immédiatement contesté par les organisations nazies à Kiev et dans l’ouest. Des manifestations avec pneus brûlés et députés violentés (Vitali Jourovsky) ont eu lieu, toujours avec les fameux drapeaux rouges et noirs de Bandera et les insignes des SS ukrainiens. Il a été depuis annulé par Porochenko lui-même après les législatives. Les bruits de botte et l’intensification de la guerre de l’information à l’ouest avec des attaques contre tous ceux qui ne pensent pas comme il faut notamment chez nous en France sucitent l’inquiétude pour le moins. L’attitudes des Nord-américains et de leurs amis à Brisbane contre la Russie semble indiquer le choix guerrier.
Le bilan de ces mois de combat est lourd pour l’Ukraine. On estime à 300 millions d’euros, les impôts et taxes qui ne sont pas arrivés dans les caisses de l’État. Les États-Unis ont promis de fournir 350 millions de dollars en armes à l’Ukraine en 2015. En Ukraine, le volume des constructions a baissé de 63% entre août 2013 et août 2014., la production de charbon (à l’est) s’est écroulée de 60% sur la même période, et laproduction industrielle a baissé de 21,4%, et de 12% entre juillet et août. La plus grande part de la production est exportée vers la Russie ou l’Asie. La situation sociale continue de se dégrader. Les contes de fées sur la prospérité apportée par l’adhésion à l’UE (enfin seulement au partenariat mais il était si bon de rêver !) et les promesses de Porochenko que l’Ukraine rendrait l’Europe plus riche et plus stable…Commencent à apparaître pour ce qu’ils sont. La chute des exportations européennes vers la Russie sont une première manifestation de cette richesse ! En Ukraine de l’est, les populations bombardées et qui ne perçoivent plus ni retraites, ni salaires, ni aides sociales et subissent des coupures d’eau et d’électricité ou se terrent dans des abris, oublieront-elles facilement et seront elles prêtes à rester dans le même pays que ceux qui les ont massacrés et détruits leurs maisons et leurs usines ? D’autant que ce pays est ruiné et n’a pas grand chose à offrir à ses habitants, qu’ils soient de l’ouest ou de l’est.
Une situation tragique et absurde à laquelle nous avons grandement contribué et que nous risquons de payer très cher. DdK