Flash info 20/09 22:36
Interdite de parole par le président du parlement Toutchinov, menacée de mort par le ministre de l’Intérieur Avakov (voir le Flash info précédent), la députée Elena Bondarenko a écrit le 12 septembre dernier une lettre ouverte pour dénoncer la mise en place d’un régime totalitaire en Ukraine.
En voici le texte :
“Moi, Elena Bondarenko, députée du parti des Régions, qui me trouve dans l’opposition au nouveau pouvoir en Ukraine, je déclare solennellement que ce pouvoir s’abaisse à des menaces directes d’élimination d’opposants politiques, à la suppression du droit à la liberté d’expression de l’opposition au parlement et dans ses alentours, mais aussi à la complicité de crimes contre les enfants de ces opposants politiques.
Des menaces permanentes, l’interdiction tacite de toute présence de l’opposition sur les ondes de la majorité des chaînes ukrainiennes, la persécution délibérée sont désormais l’ordinaire quotidien du député d’opposition en Ukraine. Tous ceux qui appellent à la paix en Ukraine sont aussitôt fichés comme ennemis du peuple, comme cela avait lieu par exemple en Allemagne dans les années trente du siècle dernier ou à l’époque du maccarthysme aux USA.
Quelques jours auparavant, le ministre de l’Intérieur, Arsène Avakov, partisan acharné du soi disant “parti de la guerre” en Ukraine, a fait la déclaration suivante : “Lorsqu’Elena Bondarenko est venue prendre la parole à la tribune de l’assemblée parlementaire, j’ai vraiment eu envie de saisir mon revolver”.
Je souligne : cela a été dit par l’homme en charge des pleins pouvoirs de police au gouvernement. Il y a juste une semaine, le président de l’assemblée nationale Alexandre Tourtchinov m’avait privée du droit à prendre la parole à la tribune parlementaire en tant que représentante de la fraction d’opposition “parti des Régions”. Il m’en a privée pour avoir seulement déclaré que “ce pouvoir qui envoie l’armée bombarder des villes paisibles est un pouvoir criminel”. Alors qu’après cela il a généreusement donné l’autorisation aux radicaux d’appeler à tirer sur l’opposition.
En rappelant qu’à la fin de l’année dernière, au moment où les extrémistes sont entrés en action, ma voiture a déjà été criblée de balles et que je l’ai déclaré aux forces de l’ordre, j’accorde une importance capitale à ce genre de menace me visant.
Je porte également à la connaissance de tous ceux qui ne le savent pas encore que le présent pouvoir couvre les criminels qui ont osé frapper le fils d’un autre opposant politique, Vladimir Oleynik (1). Rouslan Oleynik, remplissant les fonctions de procureur d’arrondissement, a été tabassé sur son lieu de travail, suite à quoi sa vie et sa santé ont été menacées. Au lieu d’ordonner enquête sur cette agression d’un procureur exerçant ses fonctions et sur cette abominable pression sur un opposant et sa famille, le pouvoir a licencié le procureur en question. De la part des collègues de celui-ci, j’entends toutes les semaines parler de passage à tabac de leurs collaborateurs, de perquisition dans les entreprises de leurs partisans, de menaces, mais aussi d’atteintes à leur vie, à leur santé et à leurs biens.
Les médias ukrainiens sont presqu’entièrement lisses de ce genre d’information et l’Ukrainien moyen ne soupçonne même pas qu’est menée une action criminelle contre l’opposition, que le droit à la libre expression garanti par la constitution est bafoué de toutes les manières. Alors que les rédactions qui, dominant la peur, travaillent honnêtement, sont exposées à des attaques de bandes nationalistes tandis que les organisateurs et les exécutants de ces violences, même s’ils sont identifiés par des vidéos et des photos, ne sont pas mis en examen.
J’invite les instances internationales qui déclarent leur attachement aux principes démocratiques de ne pas faire que prêter attention à ce que je viens de révéler, mais à s’impliquer dans un combat pour le maintien et l’observation des droits démocratiques et des libertés des citoyens ukrainiens.
Les méthodes de la junte ukrainienne dans la lutte pour le pouvoir, ou plus exactement dans la lutte pour l’édification d’une dictature en Ukraine, n’ont rien de commun avec la notion de “démocratie”.
L’inaction de la part de la communauté internationale concernant ces faits révoltants apparaîtra comme une complicité et un accord tacite avec tous les crimes commis actuellement en Ukraine.
Le monde libre perd également un avant-poste – l’Ukraine. Tous ceux qui ne luttent pas par les mots mais par les actes pour la démocratie, le droit et la liberté peuvent faire beaucoup en communiquant. Oui, en communiquant nous pouvons stopper la junte et la guerre fratricide en Ukraine !
Avec considération,
la représentante du peuple d’Ukraine Elena Bondarenko”.
(1) On peut lire son interview dans Le Monde du 7/12/2013.
Traduction, Frédéric Saillot
Leave a Reply
You must be logged in to post a comment.