Cinq semaines après avoir été investi, Donald Trump ne s’est toujours pas saisi du pouvoir. Et pour cause : le président des Etats-Unis n’a la main que sur 2 à 3% des fonctionnaires et ne peut – tel que le fit son illustre prédécesseur Andrew Jackson – se débarrasser des serviteurs qui s’opposeraient à son changement de cap politique. C’est donc d’un ton presque désespéré que Steve Bannon exalte la destruction créatrice qui seule à ses yeux pourrait initier le changement. A l’heure actuelle, la nouvelle administration n’a rempli que 10% des postes. Les 90% restants sont soit vides, soit remplis par des opposants. Or dans la lutte opposant la machine bureaucratique à la poignée déterminée de partisans du changement, rien ne fonctionne de façon binaire. En effet, le pouvoir réel – qui reste au main des médias, de la machine judiciaire, beaucoup de juges ayant été désignés par Obama, et de la bureaucratie – instrumentalise savamment les luttes d’influence existant au sein de l’équipe Trump. Elle aggrave par exemple les différends existant entre le général Mattis et le binôme Steve Bannon – Jared Kushner. Cette instrumentalisation est orchestrée par le quartier général d’Obama, qui s’est installé à proximité de Washington afin de faire échec au coup d’Etat intérieur du président Trump. Si l’on ajoute à cela les manœuvres de la CIA qui ont réussi, il y a quelques semaines, à empêcher le général Flynn de nommer les conseillers dont il souhaitait s’entourer, l’on peut dire que le blocage est complet. Or le temps est compté pour M. Trump. Dans 12 mois auront lieu en effet les élections de mi-mandat. Ne s’étant pas saisi des commandes de l’Etat, ayant même renoncé à nommer des ambassadeurs de son propre camp, l’on peut dire que le nouveau président des Etats-Unis se retrouve dans la position des présidents de la IIIe république. Dans ces circonstances, la politique étrangère américaine est paralysée. Cette paralysie de la puissance dominante amènera mécaniquement les chefs politiques opposés à décupler leurs mouvements dans les mois à venir. Tandis que l’Amérique hiberne, s’amorce une recomposition silencieuse et invisible autour d’elle. Lorsqu’elle se réveillera, nous serons dans un autre monde.
Thomas Flichy de La Neuville
Professeur à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr
Le 7 mars 2017.