L’Union européenne au défi du premier ministre du Kosovo

La stratégie de tension à l’égard des Serbes du Kosovo mise en oeuvre par Albin Kurti, premier ministre du gouvernement du Kosovo, depuis sa venue au pouvoir en 2021, vient de connaître un tournant décisif. Après celles du Sud en février, le 30 août dernier il a fait fermer les institutions serbes au Nord Kosovo, à majorité serbe. Ce jour là, la police du Kosovo (PK) a notamment pris possession d’un immeuble sis sur un terrain de 2,7 hectares à Vojni Remont – quartier de Mitrovica Nord en bordure de l’Ibar – dénommé Leshko, dans lequel travaillait les fonctionnaires des Municipalités serbes du Sud et ceux de Mitrovica Nord, intervenant également dans d’autres institutions serbes au Nord, afin d’y installer des fonctionnaires albanais dépendant de l’administration de Pristina. Ce coup de force a été décidé unilatéralement par Kurti, à la demande dit-on du “maire” albanais actuel de Mitrovica-Nord, Erden Atiq, élu avec à peine une centaine de voix dans un scrutin boycotté par les Serbes (1), pour s’approprier le terrain de Leshko. Et ce dans l’illégalité la plus totale puisque les accords de Bruxelles de 2013 et 2015, confirmés par ceux d’Ohrid en février-mars 2023, disposent qu’afin de parvenir à un accord entre Pristina et Belgrade sur le statut définitif du Kosovo, les Serbes doivent disposer de leurs propres institutions coordonnées entre elles et reliées à Belgrade.

Cette pomme de discorde dure en fait depuis la fin de l’intervention occidentale contre la Serbie en juin 1999, tant cette intervention et la tutelle internationale qui s’en est suivie se sont avérées jusqu’à présent incapables de trouver une solution au conflit opposant Serbes et Albanais du Kosovo. Rappelons que l’accord de Bruxelles du 19 avril 2013 a été signé par les deux premiers ministres de la Serbie et du Kosovo, Aleksandar Vucic et Hashim Thaci, en présence de la cheffe de la diplomatie de l’UE Catherine Ashton et que celui du 25 août 2015 l’a été par les premiers ministres Aleksandar Vucic et Isa Mustafa, en présence cette fois de Federica Mogherini. Il portait sur “quatre domaines : la création d’une association des municipalités serbes du Kosovo, l’énergie, les télécommunications et un accord sur le pont de Mitrovica, disputé par les deux populations qui composent cette ville du nord du Kosovo” (2). L’accord d’Ohrid a quant à lui été négocié entre toujours Aleksandar Vucic, alors président de la république de Serbie, et le nouveau premier ministre albanais Albin Kurti. Cet ancien activiste ultra-nationaliste, avait été emprisonné en 2015 pour avoir organisé une manifestation violente au sein même du parlement de Pristina, contre précisément les accords signés le 25 août 2015 (1). C’est dire si le personnage est opposé à tout aménagement institutionnel pour faciliter la vie et garantir la sécurité des Serbes du Kosovo. Ce qui explique peut-être que “l’accord” d’Ohrid n’a été qu'”accepté verbalement” le 27 février 2023 et qu’un “plan pour sa mise en oeuvre a été convenu le 18 mars 2023”, dont on se demande si l’Union européenne, sous l’égide de laquelle s’est conduite la négociation, se fait une quelconque illusion sur sa réalisation (3).

Il ne s’agissait alors plus en effet pour le gouvernement du Kosovo que de “s’engager à garantir un niveau approprié d’autogestion à la communauté ethnique serbe du Kosovo”, en contrepartie de la reconnaissance mutuelle de “l’indépendance des deux parties” et de l’engagement selon lequel “la Serbie ne s’opposerait pas à l’adhésion du Kosovo à une quelconque organisation internationale”. Le fait est qu’avant les discussions d’Ohrid, Kurti avait déjà confirmé son opposition à toute représentation autonome des Serbes du Kosovo. Bien dans la manière duplice adoptée par l’ancien activiste depuis qu’il est aux affaires – respecter en apparence les valeurs et les règles européennes tout en les violant subrepticement – il a déclaré dès le 16 novembre 2022 son opposition à “l’établissement d’une unité ethnique parce que l’essence de la constitution du Kosovo est la structure multi-ethnique de l’Etat” (4). Les Serbes du Kosovo, discriminés et dont la survie dépend de leurs institutions autonomes, savent bien ce qu’il en est de ces rodomontades. Kurti n’hésite cependant pas à les appuyer d’un mensonge manifeste : “Ces demandes d’autonomie pour les zones à majorité serbe du nord du Kosovo ne proviennent même pas de la population locale. Seule Belgrade veut que cela récompense les pertes subies dans la guerre sous Milosevic”.

Les discussions d’Ohrid se sont d’ailleurs déroulées dans le contexte de la mise en oeuvre de la stratégie de tension avec le conflit sur les plaques minéralogiques, conduisant à une démission inexpliquée des maires et des fonctionnaires serbes du Nord Kosovo, donnant lieu à l’élection de maires albanais ultra-minoritaires et à un vide institutionnel dans lequel s’est engouffré Kurti (1). Cette prise de contrôle institutionnelle s’est d’ailleurs doublée d’une prise de contrôle par la force du Nord Kosovo. Les 23 et 24 septembre 2023, dans des circonstances rocambolesque, un groupe de paramilitaires serbes, lourdement armé et mené par Milan Radoicic, homme d’affaire controversé et vice-président du parti serbe du Kosovo Srpska Lista, pénètre au Nord Kosovo, où il est intercepté par une unité de police du Kosovo, qui se trouvait là comme par hasard. L’affrontement se solde par un policier et trois assaillants tués, quand le commando se réfugie au monastère de Banjska, puis s’évapore comme par miracle, dont Radoicic, par les montagnes vers la Serbie. Cette action – qualifiée par certains de désespérée, en réaction aux provocations de Kurti – a en tout cas permis l’installation permanente d’unités de la police du Kosovo au Nord, ainsi que de forces spéciales, créant un climat de peur et d’insécurité dans la population serbe, se sentant livrée à l’arbitraire et incitée à un exil silencieux. En attendant peut-être un nettoyage ethnique violent comme celui qui a eu lieu en Croatie en 1995 l'”opération Tempête” (5), faisant près de 2000 victimes massacrées et de 100 à 200 000 exilés.

L’Union européenne serait-elle impuissante à faire appliquer l’accord de Bruxelles, concernant notamment la réalisation de l’Association des municipalités à majorité serbe au Kosovo ? Le fait est qu’elle a pris des mesures de sanctions contre Pristina et que le Conseil de l’Europe n’a pas accepté la demande du Kosovo de siéger en son sein. Car cette institution, qui a été créée juste après la deuxième guerre mondiale, rassemble “46 États membres, par le biais des normes juridiques dans les domaines de la protection des droits de l’homme, du renforcement de la démocratie et de la prééminence du droit en Europe” (6). Mais rien n’y fait, Kurti persiste et signe, et le 30 août, il opère ce coup de force, en décidant une action dont il n’informe ni l’Eulex ni la Kfor – qui au Kosovo veillent à la transition sur les plans juridique et militaire – comme c’est la règle pour toute action entreprise par Pristina. Il met ainsi l’Union européenne et les Etats-Unis – qui ont dénoncé les autres initiatives unilatérales décidées par lui, comme l’interdiction du dinar en janvier dernier – devant le fait accompli. Tout cela dans la perspective des prochaines élections au Kosovo au début de l’année prochaine, ce qui devrait apporter des voix au leader populiste, qui flatte ainsi la fibre nationaliste de ses compatriotes.

Il faut donc s’attendre dans ce contexte à d’autres provocations, comme celle qu’il a entreprise dès le lendemain de la fermeture des institutions serbes le 30 août, où il a passé à pied le fameux pont qui sépare la Mitrovica albanaise de la Mitrovica serbe, pour aller poser sur le terrain de Leshko la première pierre d’un nouveau commissariat albanais, ce qui a donné lieu à l’arrestation du leader serbe de Srpska Demokratija, qui filmait la scène et protestait contre cette venue, comme il en a parfaitement le droit. L’une des prochaines provocations de l’activiste, serait d’ouvrir ce pont à la circulation automobile, une “ligne rouge” pour les Serbes de Mitrovica Nord, et dont le représentant spécial de l’Union européenne pour le dialogue entre Belgrade et Pristina, Miroslav Lajcak, a précisé que cela devait être décidé dans le cadre tripartite du dialogue, ce qui a d’ailleurs été répété à plusieurs reprises par l’UE. Mais en franchissant l’Ibar, son petit Rubicon, rompant ainsi les relations avec ses tuteurs occidentaux, Kurti n’a fait que marcher sur ses propres traces, lorsqu’en 2007 il organisait une manifestation violente devant le siège de la Mission de l’ONU, qu’il qualifiait d'”administration coloniale”, qui a fait deux morts, pour quoi il sera emprisonné une première fois. L’on peut cependant se demander si, dans la mise en oeuvre de cette politique de provocation, il ne dispose pas, outre celle d’une frange de son opinion, d’un soutien international.

Il convient ici de remarquer que l’agression du 30 août contre les institutions serbes à Mitrovica Nord, défiant ainsi l’UE, intervient au lendemain même de la venue du président français Emmanuel Macron à Belgrade, venu passer le 29 août avec le président serbe Aleksandar Vucic onze accords bilatéraux dans des domaines stratégiques. Dont l’installation d’une centrale nucléaire par EDF et la vente de douze Rafales par Dassault, intégrant ainsi la Serbie dans le “club Rafale”, dans la persepective de “la coopération entre les deux armées” serbe et française (7). Au cours de la conférence de presse qui a suivi, Macron a explicitement condamné “les actions unilatérales du Kosovo qui ne constituent pas de bons signaux” et rappelé – comme cela avait déjà été le cas le 8 avril dernier dans la déclaration commune de Macron et Vucic à l’Elysée (8) – que “nous sommes attachés dans ce contexte à la mise en oeuvre de l’association des municipalités à majorité serbe”. Cela dans le cadre de la “Communauté politique européenne”, un format proposé par le président français en 2022, au moment de l’invasion de l’Ukraine, qui rassemble une quarantaine de pays qui tous ne sont pas encore prêts à intégrer l’UE ou l’ont quittée comme la Grande-Bretagne, permettant la coopération économique et la mise en oeuvre d’une politique de sécurité commune sur le continent européen. Il s’agit donc de la transformation de l’UE de puissance économique en puissance stratégique autonome, capable de définir les axes de sa politique sur le continent et dans le monde. Ce qui n’est pas forcément vu d’un bon oeil outre-Atlantique. Dans le cadre du Quint, qui regroupe les trois puissances nucléaires occidentales avec l’Allemagne et l’Italie, les USA sont pourtant à l’unisson de leurs alliés de l’OTAN, et ils ont publiquement condamné les actions unilatérales de Kurti, dont notamment l’interdiction du dinar.

Peu de temps après, le 11 septembre, paraît opportunément l’acte d’accusation concernant ce qu’il est convenu d’appeler “l’attaque de Banjska”, émis par le procureur spécial du Kosovo qui, n’impliquant pas directement l’Etat serbe dans l’affaire, n’en énonce pas moins que “le groupe, qui avait l’intention de séparer le nord du Kosovo et de le rattacher à la Serbie, a commencé à s’organiser en octobre 2021, lors d’une réunion à laquelle était également présent le président de la Serbie, Aleksandar Vučić”. Selon l’acte d’accusation, qui vise 45 personnes, la Serbie a, entre autres, “offert à Radoicic l’infrastructure militaire nécessaire à la formation des participants” (9). Si l’acte détaille les montages financiers qui ont permis au groupe Radoicic de “s’autonomiser financièrement” selon des schémas de corruption mafieuse, il est peu disert sur le déroulement de l’action elle-même. Et notamment le fait que des forces spéciales de la KSF (Kosovo Security Force, ex-UCK) se trouvaient en embuscade, parmi lesquelles des “mercenaires” m’a-t-on appris, alors que l’action du côté albanais est présentée comme une riposte de la simple PK, qui n’a pas mandat pour convoquer la KSF, en présence de la KFOR et de l’EULEX. Le principal accusé, Radoicic, qui a reconnu les faits, est actuellement en Serbie qui refuse de l’extrader, le Kosovo ne constituant pas un Etat selon elle. Dans la conférence de presse qu’il a donnée à Belgrade le 13 septembre, Vucic a déclaré que Belgrade allait également enquêter sur cette affaire qui pourrait bien révéler des pans entiers de l’histoire occulte du Kosovo.

Radoicic, qui parle albanais et est en lien avec la mafia albanaise, est en effet un ami d’enfance de Ramush Haradinaj. A Kurti qui lui reprochait ses liens avec Radoicic, Haradinaj a rétorqué que lui même Kurti avait cherché un partenariat avec Radoicic, alors qu’il savait pertinemment qu’il avait fui le Kosovo et qu’il était poursuivi par la justice américaine depuis décembre 2021 (10). L’interception d’un entretien téléphonique entre Radoicic et la cheffe du groupe Vetevendosje au parlement de Pristina, le mouvement populiste présidé par Kurti, Mimosa Kusari-Lila, speaker du parlement, atteste d’ailleurs de ces relations très amicales (11). Rappelons qu’Haradinaj, ancien légionnaire français, était en charge du trafic d’armes en provenance de l’Albanie pendant l’insurrection de l’UCK contre l’Etat serbe dans la région de Pec-Decani en 98-99, et qu’il a été inculpé de crimes de guerre. Ce qui ne l’a pas empêché de devenir premier ministre du Kosovo une première fois en 2004-2005, puis de 2017 à 2019, avec le soutien de la Srpska Lista, sous la présidence d’Hashim Thaci, le chef de l’UCK promu par Madeleine Allbright aux accords de Rambouillet en 1999, actuellement à La Haye pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’implication américaine au Kosovo aux côtés de l’UCK est d’ailleurs constante depuis cette époque, même si la camp de Bondsteel semble avoir réduit sa voilure à 500 militaires, un chiffre qui reste cependant non-négligeable à l’aune du Kosovo.

Et la période Thaci-Haradinaj, qui a précédé la venue au pouvoir de Kurti, semble avoir été favorablement vécue par les Serbes du Kosovo. “Nous avons eu la paix et la prospérité sans savoir qui parlait avec qui, qui faisait des accords avec qui. On était dans une situation de statu quo. Bien sûr il y avait les crimes, les personnes disparues. Mais on était bien”, révèle l’un d’eux. Concernant les événements récents, ils ont peur, ils se sentent abandonnés par Belgrade, certains vont jusqu’à évoquer un accord Vucic-Kurti pour se débarrasser d’eux, les empêcheurs d’entrer dans l’UE. Et la perspective d’une intégration aux institutions du Kosovo des dernières institutions autonomes serbes que le raid de Kurti leur avait laissées, l’éducation et la santé, comme l’a récemment annoncé le ministre serbe des Communautés et du Retour du gouvernement du Kosovo, Nenad Rasić, signerait leur départ collectif (12).

Le président Vucic a pourtant tenu le 13 septembre une conférence de presse où il a été très ferme, tout en s’en tenant à une stricte ligne juridique. Il a notamment demandé le retrait de la police et des forces spéciales du Nord Kosovo en refusant de qualifier leur intrusion d'”occupation”, ce qui serait reconnaître la qualité d’Etat au Kosovo, qu’il persiste à considérer comme une région autonome de la Serbie au titre de la résolution 1244 de l’ONU, toujours en vigeur (13). Son plan en plusieurs points prévoit en outre “des élections locales libres et démocratiques dans le Nord, avec la participation de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et sous la supervision de l’Union européenne (UE), le retour des policiers et des fonctionnaires de la justice serbes sur leurs lieux de travail, la formation de l’Association des municipalités à majorité serbe, la libération immédiate de tous les prisonniers politiques arrêtés par la police du Kosovo et le paiement au nord en monnaie serbe, le dinar. Il promet en outre une aide financière aux quelques 5800 fonctionnaires serbes privés de leur emploi suite à la fermeture des mairies et autres institutions, à condition qu’ils continuent à résider au Ksosovo, ainsi que des aides à la population sur le plan de la santé, de l’éducation et de l’économie, en déclarant la province autonome du Kosovo-Metohija “zone de protection sociale spéciale”. Vucic a en outre déclaré que “le Bureau du Procureur chargé des abus et de l’atteinte aux droits fondamentaux, l’usurpation des biens, mettant en danger l’intégrité physique et la dignité des citoyens de la République de Serbie, sera créé, qui aura pour tâche particulière d’enquêter sur les actes criminels et illégaux commis par des fonctionnaires d’institutions temporaires à Pristina et de poursuivre les actes criminels et illégaux commis par des fonctionnaires d’institutions temporaires à Pristina”.

Les Serbes du Kosovo, qui l’ont écouté attentivement, ont pris ces déclarations avec circonspection, “déçus qu’il ne dise pas toute la vérité sur ce qu’ils vivent. Ils jugent ces mesures insuffisantes pour que les gens restent ici, mais ils attendent de voir”, nous a déclaré l’un d’eux. Si le Parti des Serbe du Kosovo, implanté au Kosovo Nord à Leposavic, “appuie pleinement” les mesures proposées par Vucic (14), le Mouvement populaire serbe, implanté au centre du Kosovo à Gracanica, dont j’ai interviewé le vice-président, Branimir Stojanovic, en avril (15), est quant à lui très critique. Il propose en effet à Vucic d’entreprendre une série de mesures. Et d’abord de déplacer le Bureau du Kosovo et Métochie, dont j’ai également interviewé la conseillère en avril, Milena Parlic (1), des locaux qu’il occupe Belgrade, pour les loger dans des containers à la frontière administrative avec le Kosovo, afin que Petar Petkovic, son directeur, puisse concrètement constater ce que vivent les Serbes du Kosovo. Il propose en outre de limoger les maires et les directeurs des services sociaux du Kosovo qui ont discriminé et “menacé la survie du peuple serbe au Kosovo-Metohija” (16).

Mais il propose surtout de “sanctionner tous les managers qui se sont permis ou ont permis à d’autres personnes de percevoir plusieurs salaires, et qui en même temps emploient des personnes qui ne vivent pas au Kosovo ; la démission de tous les membres de la Srpska Lista au Parlement du Kosovo qui, au cours des trois dernières années, ont eu moins de 3 minutes de discours lors des sessions de l’Assemblée et plus de 3 000 euros de revenus mensuels ; le remplacement et l’ouverture d’une enquête contre toutes les personnes qui ont facturé des aides destinées à la population du Kosovo (machines agricoles, tracteurs, matériaux de construction, équipements électroniques) à des prix 2 à 3 fois supérieurs aux prix réels, alors que dans la plupart des cas l’aide n’a pas atteint ceux qui en avaient vraiment besoin ; le remplacement des directeurs d’école qui ont menacé la qualité de l’éducation par le recrutement de proches et de partis car il n’y a pas d’autre option dans la région du Kosovo-Metohija ; (la poursuite) de toute personne ayant compromis des installations scolaires ou des biens scolaires par le biais de pratiques de corruption ; l’ouverture d’une enquête sur les biens acquis par des fonctionnaires du Kosovo-Metohija qu’ils possèdent dans toute la Serbie ; la confiscation de tous les biens acquis illégalement et leur distribution aux personnes déplacées du Kosovo-Metohija qui vivent encore dans des centres collectifs et des conteneurs ; l’accès aux médias de ceux qui sont prêts à critiquer les dirigeants locaux avec des arguments, car ils n’ont pas peur d’émettre des critiques que tout le monde ne peut pas entendre”. Cette longue énumération révèle en fait tout un système fondé sur la corruption, imputé à Belgrade et à la Sprska Lista, avec laquelle Vucic s’est entretenu pour élaborer ses propositions comme il le précise lui-même, qui a conduit à la situation actuelle.

Raison pour laquelle Momcilo Trajkovic, président du Forum national serbe, et vieux leader des Serbes du Kosovo, “estime que les mesures et les exigences présentées par Aleksandar Vučić représentent la poursuite de la manipulation des Serbes au Kosovo”, à l’aide desquelles il essaie de sortir de l’impasse” (17). Lors d’une réunion avec le Conseil national serbe du Kosovo-Metohija et le mouvement “Go-Change” (“Kreni-Promeni”) le 14 septembre, il a annoncé une prochaine réunion avec “des représentants de l’opposition à Belgrade, dont le thème sera le Kosovo-Metohija. Nous espérons que ce sera une réunion où nous nous définirons notre stratégie et demanderons du soutien pour sa réalisation”, a-t-il déclaré.Trajković n’a cependant pas voulu révéler les détails de la future stratégie, affirmant que “l’essentiel est d’arrêter les processus négatifs au Kosovo avec le peuple serbe du Kosovo et de le soutenir dans la poursuite de sa lutte pour sa survie”.

L’Union européenne quant à elle a tenu à condamner dès le 30 août “l’opération menée aujourd’hui par la police du Kosovo contre des administrations appuyées par la Serbie dans le nord de Mitrovica, Zvecan, Zubin Potok et Leposavic, menée sur instruction par le Gouvernement du Kosovo, qui met en danger la précarité de la situation en matière de sécurité sur le terrain. EULEX a été immédiatement déployée pour surveiller la conduite de cette opération, qui n’était pas coordonnée avec l’UE et les partenaires internationaux” (18). Elle a en outre souligné le péril dans lequel cette action avais mis la sécurité de la région : “L’UE a demandé à plusieurs reprises au Kosovo d’éviter toute action susceptible d’avoir un impact négatif sur la sécurité des personnes sur le terrain. Malheureusement, nos appels ont été ignorés par le gouvernement du Kosovo. L’UE tient à réaffirmer que l’opération actuelle de la police contre les bureaux soutenus par la Serbie pourrait conduire à une nouvelle escalade d’une situation déjà explosive”. Mais elle n’annonce pas de mesures propres à y mettre fin : “Les bureaux soutenus par la Serbie devraient être traités et résolus dans le cadre du dialogue facilité par l’UE. Nous attendons du Kosovo et de la Serbie qu’ils abordent et résolvent les questions en suspens qui se posent dans le cadre du dialogue facilité par l’UE”. Un aveu d’impuissance ? De la même façon, la BCE, tout en déclarant illégale l’usage de l’euro au Kosovo, et a fortiori l’interdiction de l’usage du dinar (19), m’a déclaré récemment ne donner aucune suite à cette déclaration ni n’avoir aucun commentaire à faire sur les décisions de la BSK.

La question reste donc entière sur la réponse à donner à la volonté de Kurti d’appliquer aux Serbes du Kosovo la politique exercée jadis par Milosevic à l’égard des Albanais. La prochaine réunion tripartite entre Lajcak et les représentants de Belgrade et de Pristina le 17 septembre en apportera-t-elle une ? Il est en effet crucial que l’UE réalise qu’il y va de la sécurité du continent, qui ne serait alors pas menacée qu’en Ukraine, et prenne les mesures qui s’imposent. Car Kurti fait tout pour une extension du conflit dans les Balkans, comme ce fut la cas lors des deux conflits mondiaux précédents, répétant à l’envi la collusion entre la Serbie et la Fédération de Russie de Poutine, ce sur quoi Vucic s’est longuement expliqué lors de sa conférence de presse avec Macron le 29 août (7).

Frédéric Saillot, le 15 septembre 2024

(1) Voir mon article : https://www.eurasiexpress.fr/le-kosovo-vingt-ans-apres/
(2) https://www.la-croix.com/Actualite/Europe/La-Serbie-et-le-Kosovo-scellent-un-accord-decisif-2015-08-26-1348521
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_d%27Ohrid
(4) https://www.euractiv.com/section/politics/news/kurti-association-of-serb-municipalities-pushed-by-belgrade-not-kosovo-serbs/
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Temp%C3%AAte
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_l%27Europe
(7) https://www.youtube.com/live/dCmqSsGPe3Q
et https://vucic.rs/Vesti/Najnovije/a62356-Predsednik-Makron-jos-jednom-pokazao-postovanje-prema-srpskom-narodu.html
(8) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/04/08/declaration-conjointe-du-president-emmanuel-macron-et-du-president-de-la-republique-de-serbie-aleksandar-vucic
(9) https://www.koha.net/fr/arberi/431271/grupi-i-radoiciqit-synoi-tia-shkepuse-veriun-kosoves-e-tia-bashkoje-serbise
(10) https://www.medijacentar.info/kurti-o-navodnom-razgovoru-kusari-i-radoicica-montirana-situacija-nekada-bio-kod-premijera-sada-je-u-bekstvu/
(11) https://kossev.info/djakovicka-veza-halo-zemljak-je-l-se-cujemo/
(12) https://www.koha.net/fr/arberi/431488/rashiq-per-shendetesine-dhe-arsimin-ne-veri-duhet-te-jemi-gati-per-cdo-skenar
(13) https://www.blic.rs/vesti/politika/uzivo-vucic-obracanje-o-kosovu-ovo-su-mere-srbije/1rmdjnq
https://www.koha.net/fr/arberi/431466/janjiq-vuciq-po-llogarit-shume-ne-shtetet-e-be-se
(14) https://www.medijacentar.info/partija-kosovskih-srba-potpuno-podrzavamo-mere-za-zastitu-srba-koje-je-izneo-vucic/
(15) https://www.youtube.com/watch?v=ZDq5Dc0aWyI&t=2s, voir également note (1)
(16) https://www.medijacentar.info/srpski-narodni-pokret-predlaze-aleksandru-vucicu-svoje-mere-za-srbe-na-kosovu/
(17) : https://www.medijacentar.info/u-gracanici-odrzan-sastanak-predstavnika-snf-snv-kim-i-pokreta-kreni-promeni/
(18) https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=937292405104240&id=100064704665024&mibextid=xfxF2i&rdid=LUgFoSdPKR9FByx5
(19) Voir mon article : https://www.eurasiexpress.fr/leuro-na-pas-cours-legal-au-kosovo/